Mis à jour le 19.04.2023
En 40 ans, l’étendue maximale des inondations de l’Amazone a augmenté de 26 %. Un accroissement majeur qui bouleverse la faune et la flore de cette région mais qui met aussi en danger le mode de vie des populations locales. Pour la première fois, une étude pluridisciplinaire met en lumière ces bouleversements et leurs conséquences climatiques, écologiques et sociales.
Les plaines d’inondationTerrains plats ou légèrement vallonnés situés à proximité immédiate d'un cours d'eau et qui subissent des inondations occasionnelles ou périodiques lors des crues de ce dernier. bordant l’Amazone, le fleuve le plus puissant du monde, sont sujettes à des crues périodiques plusieurs mois par an. Or, les populations vivant dans ces régions ont remarqué depuis plusieurs années que ces inondations étaient plus longues et plus étendues qu’auparavant. Cette augmentation des niveaux d’eau à certains endroits du bassin avaient été confirmée par des études scientifiques internationales.
Pour la première fois, une étude menée par une équipe de recherche internationaleConstituée principalement de chercheurs de l’Institut Mamirauá, de l’université fédérale de Rio Grande do Sul et de l’IRD au Brésil.1 vient de cartographier et d’évaluer l’ampleur du phénomène sur le long terme : l'étendue maximale de l'inondation annuelleCumul de l’ensemble des inondations annuelles le long de l'Amazone a ainsi augmenté de 26 % depuis 1980, soit 25 000 kilomètres carrés environ, la surface de la Belgique. Pour évaluer ces inondations, les scientifiques se sont appuyés sur des modèles hydrologiques ainsi que sur des observations in situ et par satellite.
Représentation de l’augmentation des inondations de l’Amazone
entre 1980 et 2015 réalisé à partir du modèle hydrologique MGB.
Crédit : Ayan Fleischmann et al.

L’accroissement de l’étendue des inondations a renforcé la connectivité entre les rivières des plaines inondables.
© Davy Rabelo de Universidade do Estado do Amazonas
Bouleversements hydroclimatiques
Comment expliquer une telle évolution ?
« Le régime hydroclimatique dans le nord du bassin amazonien a été bouleversé ces dernières années, répond Fabrice Papa, hydrologue IRD, au sein de l’UMR LEGOS et de l’université de Brasilia. Les précipitations ont été bien plus importantes dans le nord de la région, alors que le bassin fait aussi face à des perturbations anthropiques telles que la construction de barrages et la déforestation. »
Les chercheurs ont également mis en lumière une augmentation de la durée des inondations, parfois de plusieurs mois, ainsi qu’une connectivité plus importante entre les rivières de ces plaines inondables.
L’ensemble de ces phénomènes impactent la région de différentes manières. L'échange de sédiments entre les lacs situés dans la plaine d'inondation et le fleuve peut ainsi s’intensifier et accroître leur transport vers l'océan. « Les émissions de méthane provenant des zones humides et des plaines d’inondations de l’Amazone, qui joue un rôle clé dans le cycle du carbone, pourraient également augmenter, souligne Ayan Santos Fleischmann, premier auteur de l’étude et hydrologue à l’Institut Mamirauá pour le développement durable, à Tefé au Brésil. Leur intensité dépend de la surface inondée et de la réaction des arbres de la plaine inondable à l’augmentation des inondations. Mais les résultats actuels ne permettent pas encore d’évaluer précisément ce point. »

© Drone da Amazônia - João Paulo Borges
Communauté inondée de Jarauá dans la plaine d'inondation Japurá de l'Amazone.
Comment s’adapter ?
Les populations locales souffrent déjà de l’étalement des inondations. « Beaucoup d’habitants sont déjà partis, poursuit Ayan Santos Fleischmann. Ce sont des pêcheurs et en cas d’inondation, il leur est très difficile de pêcher car les poissons se dispersent. Souvent, ils sont en situation d’insécurité alimentaire et certains ne mangent qu’un repas par jour pendant la période des inondations. Les populations doivent également faire face à des problèmes d’assainissement car les infrastructures sont défaillantes, ce qui s’aggrave lorsque les inondations perdurent. » Certains habitants de la région ont déjà modifié leurs pratiques et leur mode alimentaire. Ils chassent au lieu de pêcher et cueillent des fruits dans la forêt au lieu de les cultiver dans la plaine d'inondation.
La faune et la flore, adaptées à ces zones humides, devront également s’acclimater à de telles évolutions. La composition de la forêt pourrait évoluer avec des arbres de taille plus réduite. Certaines espèces animales comme les jaguars, qui ont l’habitude de se tenir en haut des arbres pendant les périodes d’inondation, pourraient être largement affectées.
Maisons flottantes dans une communauté vivant à l’année dans la réserve de Mamirauá, une zone de plaine inondable.
© Ayan Fleischmann
Les scientifiques souhaitent continuer de collecter les connaissances traditionnelles des populations locales et les mettre en commun afin que les habitants de la région puissent les utiliser pour s’adapter à cette nouvelle situation. Ils continuent également à étudier les raisons de ces changements et à partager leurs connaissances avec les acteurs locaux.