Mis à jour le 29.03.2022
À l’occasion de la parution de l’ouvrage collectif Biodiversité des écosystèmes intertropicaux – Connaissance, gestion durable et valorisation, ses coordinateurs reviennent sur les programmes scientifiques qui ont donné naissance à ce travail collaboratif et sur les différents enjeux qu’il recoupe. La parole est à Pierre Couteron, membre du conseil scientifique et pédagogique du programme Sud Expert Plantes Développement Durable (SEP2D), Stéphanie Ardila-Chauvet, secrétaire exécutive du programme et Jean-Pierre Profizi, chargé de la mobilisation des acteurs et du plaidoyer pour la biodiversité.
Dans quel contexte le programme Sud Expert Plantes Développement Durable (SEP2D), qui a donné naissance à cet ouvrage, s’inscrit-il ?
Le programme SEP2D, mené de 2015 à 2021, a succédé au programme Sud Expert Plantes (SEP), qui s’est lui déroulé de 2006 à 2012. Ceux-ci sont nés du constat qu’il y avait un très large déficit de connaissances et de communication sur la biodiversité végétale dans les pays du Sud, en particulier en Afrique.
Ceci s’explique, entre autres, par le sous-investissement scientifique dans cette partie du monde comparé à d’autres continents. Ces recherches commencent toutefois à reprendre de l’importance mais les scientifiques locaux restent souvent isolés. Il y a également très peu de partenariat entre pays. Une difficulté supplémentaire est que, les instances politiques et les financeurs du développement (Banque Mondiale, UE, opérateurs privés ou publics…) promeuvent des actions à grande échelle, alors qu’en matière de biodiversité végétale, les actions doivent plutôt s’adapter à des réalité (naturelles et humaines) plutôt locales. SEP puis SEP2D ont ainsi été créés pour accompagner les communautés scientifiques travaillant sur la biodiversité végétale dans les pays du Sud, notamment en finançant des projets de recherche renforçant l’acquisition et le partage des connaissances. Il s’est agi aussi d’appuyer des initiatives de partenariats public-privé, voire même partenariat recherche-organismes opérationnels, afin de valoriser cette biodiversité, ou encore de soutenir l’implication des scientifiques dans leurs activités de conseil auprès des instances nationales ou internationales.
Comment avez-vous conçu cet ouvrage et quels sont les grands thèmes abordés ?
Cet ouvrage est pensé comme une mosaïque : les pièces du puzzle qui la constituent nous permettent d’explorer différents pans des recherches menées en biodiversité végétale au travers d’exemples de projets conduits principalement par des équipes de chercheurs du Sud. Pour documenter la diversité des écosystèmes locaux, nous sommes partis à la découverte des connaissances tirées des utilisations populaires au travers de projets qui se sont par exemple intéressés aux plantes forestières commercialisées dans les marchés urbains de la Guinée forestière ou à la culture du palmier rônier dans l’ouest du Burkina Faso. Nous abordons le rôle des collections botaniques en voyageant des collections de bambous du Vietnam jusqu’au Centre national de la floristique de Côte d’Ivoire, entre autres.
Dans une partie consacrée à la valorisation de la biodiversité, nous nous attardons sur les plantes alimentaires et médicinales, par exemple celles utilisées dans la gestion des maladies hépatiques par les tradipraticiens burkinabés. Nous donnons aussi une place à part aux champignons forestiers, avec des exemples de consommation en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo. D’autres usages sont aussi abordés, comme l’utilisation de certaines espèces d’arbres dans la fabrication de mortiers et pillons béninois ou l’extraction d’huiles de différentes espèces de Millettia, une plante endémique de Madagascar.
Nous nous intéressons aussi bien évidemment à la gestion durable de ces ressources végétales, via l’histoire de la domestication du karité au Bénin, des caféiers Robusta endémiques de Guinée ou encore la dynamique d’une méga-mangrove malgache. Dans un contexte où ces espèces sont mises à mal par le changement climatique et la destruction anthropique des milieux naturels, nous nous sommes aussi intéressés à la restauration des écosystèmes après leur dégradation. Nous explorons enfin divers exemples de gouvernance environnementale.
Vous insistez également sur la nécessité de l’implication citoyenne et de l’ensemble des acteurs dans la gestion de cette biodiversité végétale. Pourquoi ?
Un des points importants de cet ouvrage est la valorisation des ressources végétales. Dans le Haut-Sassandra, en Côte d’Ivoire, les chercheurs décrivent la reconstitution de la végétation dans des parcelles cultivées, dépendant de la participation des communautés locales.
Au Niger, un autre projet s’est intéressé au développement de la production de dattes tout en formant la population locale. Ces dernières sont en effet essentielles à la valorisation de la biodiversité : celle-ci ne peut se faire dans de bonnes conditions que si elle est comprise et prise en charge par les communautés locales, afin d’appliquer des pratiques responsables en matière de consommation, gestion ou commercialisation des ressources, tout en protégeant durablement les écosystèmes qui les abritent.
Biodiversité des écosystèmes intertropicaux
Connaissance, gestion durable et valorisation
Sous la direction de Jean-Pierre Profizi, Stéphanie Ardila-Chauvet, Claire Billot, Pierre Couteron, Maïté Delmas, Thi My Hanh Diep, Philippe Grandcolas, Kouami Kokou, Serge Muller, Anshuman Singh Rana, Hery Lisy Tiana Ranarijaona, Bonaventure Sonke
IRD Éditions
Collection : Synthèses février 2022
160 x 240, 784 pages