Mis à jour le 14.11.2023
Le cerrado, vaste savane du Brésil, subit des feux de forêt naturels depuis quelques millénaires. Cependant, une étude montre qu’ils ne détruisent que temporairement la végétation contrairement aux feux de déforestation provoqués par l’être humain.
Le cerrado est une région de savane arborée qui couvre aujourd’hui environ 20 % du territoire brésilien, soit une superficie équivalente à quatre fois la France métropolitaine. Il abrite près de 5 % de la biodiversité mondiale et est un des puits de carbone les plus importants de la planète. Malgré ces données, c’est une région méconnue à l’international, contrairement à sa voisine, la forêt amazonienne. Or, plus qu’aucune autre région du monde, le cerrado est mis à mal par les activités humaines. « 50 % de la savane a été détruite depuis la fin des années 1990 par l’agrobusiness qui brûle la végétation pour récupérer des terres agricoles », alerte Marie-Pierre Ledru, paléo-écologue et palynologue (l’étude des pollens) IRD au sein de l’équipe Dynamique des écosystèmes, écologie des perturbations, paléoclimats de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (ISEM). Pour justifier ces ravages, il est souvent avancé que les savanes ont toujours brûlé par le passé et qu’elles sont adaptées aux feux. Or, ce ne sont pas du tout les mêmes types de feux. Ceux d’origine naturelle n’ont pas les mêmes conséquences que les incendies de déboisement. » C’est ce que démontre une récente étude de l’ISEM menée en collaboration avec le département de géologie de l’université fédérale de Ouro Preto et de l’Institut des géosciences de l’université de Brasilia (Brésil).
Faire parler le pollen et les carottes
Katerine Escobar-Torrez, biologiste doctorante au sein de l’équipe de Marie-Pierre Ledru et première autrice de l’étude, explique : « Nous avons analysé les dépôts de pollens et de macro-particules de charbon dans une carotte de sédiments lacustres située au lac Feia, dans le centre du cerrado. Ils nous ont permis de montrer l’impact des différents types de feux sur l’évolution de la végétation au cours de l’HolocèneÉpoque géologique s'étendant sur les 12 000 dernières années, toujours en cours. C’est la première étude qui montre une relation claire entre les feux et les modifications de la végétation entre la période glaciaire et interglaciaire. »
Selon ces travaux, le développement de la végétation que nous connaissons aujourd’hui au cerrado aurait débuté il y a 6 000 ans avant le présent (AP), soit avant 1950. C’était un écosystème à la végétation ouverte, c’est-à-dire qu’elle était constituée d’un important tapis d’herbacées. 1 200 ans plus tard, sous l’effet d’une augmentation de l’insolation estivale qui a apporté des taux d’humidité plus importants, la végétation a évolué pour devenir un milieu boisé avec une biomasse plus facilement inflammable. Au cours des 5 000 dernières années, il y a eu trois épisodes d’un climat plus sec entre 3 440-2 760, 2 700-1 690 et 1 330-1 150 ans AP. Les feux naturels, peu nombreux, qui se sont produit durant ces périodes ne semblent pas avoir affecté la récupération de la végétation.
Tous les feux ne se ressemblent pas
Ce qui n’est pas le cas de deux incendies survenus entre 3 330 et 3 210 ans AP et 1 330 et 1 160 ans AP que les auteurs de l’étude attribueraient à une activité humaine près du lac.

Les feux de déforestation, plus destructeurs, que les feux naturels.
© IRD - Marie-Pierre Ledru
À la suite de ces deux épisodes, la période de récupération complète de la végétation a duré plus de 30 ans. « Avec leur écorce très épaisse, leurs feuilles vernissées et leurs racines qui vont puiser l’eau à 20 mètres dans le sol, les arbres du cerrado sont adaptés aux feux naturels. Après ces évènements, l’arbre récupère l’année d’après. Mais les feux de déforestation, plus fréquents et plus intenses, détruisent les arbres mais aussi les sols et les nutriments qu’ils contiennent. La reforestation naturelle n’est alors plus possible », explique Marie-Pierre Ledru. Pour les scientifiques, il est urgent de faire connaître cette région et les ravages qu’y provoque l’agrobusiness. Ces informations pourraient aider à faire inscrire le cerrado comme biomeGrande zone géographique ayant le même climat et une biodiversité similaire dans la Constitution brésilienne, à l’instar de la forêt Amazonienne, et ainsi le protéger, comme inscrit dans les cibles 1 et 2 de l’Objectif de développement durable 15 - Vie terrestre, en lien avec la préservation des écosystèmesCible 15.1 D’ici à 2020, garantir la préservation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes terrestres et des écosystèmes d’eau douce et des services connexes, en particulier les forêts, les zones humides, les montagnes et les zones arides, conformément aux obligations découlant des accords internationaux. Cible 15.2 D’ici à 2020, promouvoir la gestion durable de tous les types de forêt, mettre un terme à la déforestation, restaurer les forêts dégradées et accroître considérablement le boisement et le reboisement au niveau mondial 1.