Le fleuve Niger déborde sur ses rives

© Oxfam international

Afrique sahélienne: réchauffement, anthropisation et inondations

Mis à jour le 21.05.2019

Les inondations dévastatrices sont récurrentes en Afrique de l’Ouest. Le changement climatique et la pression anthropique n’y sont pas étrangers. Il existe des moyens pour les prévenir et éviter les bilans meurtriers.

Ouagadougou en 2009, 2012 et 2015, Niamey en 2004, 2010, 2012, 2013 et 2016, Dakar épisodiquement, Bamako parfois, les inondations meurtrières sont devenues tristement banales dans les capitales d’Afrique sahélienne ces dernières années. Un récent désastre, survenu en juin dernier dans la région d’Agadez au Niger, a frappé les esprits. De façon inattendue, il a touché une zone rurale exclusivement pastorale provoquant la mort d’une douzaine de personnes et la perte de dizaines de milliers de têtes de bétail. La recrudescence de ces événements soulève la question de leur lien avec le changement climatique. "Cette multiplication de catastrophes a des causes diverses, d’ordre climatique et anthropique,  qui peuvent se conjuguer selon les contextes ", estime l’hydrologue Luc Descroix. Il évoque ainsi l’accroissement du ruissellement sur des sols indurés par la mise en culture, l’intensification des productions agricoles et l’érosion qui en découle souvent ( 1). Les temps de jachères permettant à la terre de reprendre ses propriétés initiales, et notamment celles relatives à l’infiltration des eaux pluviales, ne sont plus tenus lorsque la densité de population à nourrir dépasse 20 à 30 habitants au km2. La région en compte localement plus de 100 aujourd’hui et la croissance démographique reste soutenue.

Les pluies diluviennes du Sahel inondent les rues et les maisons

© OCHA – Franck Kuwonu

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A ce ruissellement accru, viennent s’ajouter d’autres facteurs comme l’urbanisation informelle ou le manque de mémoire collective sur les événements passés, après plusieurs décennies de sécheresse. "La subite inondation dans un kori ( 2) du nord du Niger n’a rien d’exceptionnel, seulement les gens avaient oublié ce phénomène quasi saisonnier au fil des années sèches ", note le chercheur. Il y a par contre bien une influence du changement global sur la situation de la région. L’Afrique de l’Ouest connait un réchauffement plus marqué que le reste du monde, avec un gain de 1,2° C. dans les dernières décennies contre 0,7° en moyenne. Et cela semble se traduire par une intensification des épisodes pluvieux. "Ils ne sont pas plus fréquents, mais ceux de forte intensité le sont, et ils rencontrent les sols assez ruisselants des longs glacis pré-sahariens ", indique-t-il.

Les pistes pour prévenir ces catastrophes sont multiples. En zone cultivée, l’agro-écologie, permettant de produire avec un moindre impact sur les milieux et les sols, est une bonne solution, et elle progresse actuellement. Le fait de planter ou de conserver une quarantaine d’arbres à l’hectare sur les parcelles cultivées réduit en effet le ruissellement. "L’éducation des populations, l’aménagement d’infrastructures adaptées, les plans d’urbanisme doivent être respectés, pour préserver le cadre de vie des citadins ", estime le Professeur Mouhamadou Diakhaté, co-directeur du LMI PATEO ( 3).

Le suivi des pluies diluviennes pour anticiper leurs effets est aussi une voie prometteuse. En la matière, les travaux de scientifiques de l’IRD sont porteurs d’espoir. "En nous basant sur l’observation de satellites spécialisés et sur l’analyse de la dégradation des signaux de téléphonie mobiles, nous parvenons à localiser et quantifier les masses pluvieuses" , explique l’hydrologue Marielle Gosset, co-porteuse des projets Rain Cell  et Megha-Tropiques . Cette information sera bientôt déclinée sous forme d’un système d’alerte dans les pays concernés.


Notes :

1. L. Descroix et al , Géologues , 2015.  

2. Nom local d’un oued.

3. Laboratoire mixte international « Patrimoines et territoires de l’eau ».


Contacts : Mouhamadou Diakhaté / Luc Descroix / Marielle Gosset