Mis à jour le 20.02.2019
Les 5èmes Rencontres des études africaines en France (REAF) viennent de se tenir à Marseille. Bénédicte Gastineau, co-organisatrice de l’événement, revient sur les grands thèmes qui ont animé échanges et débats.
" Afriques enchantées, Afriques en chantiers " était le titre de ces Rencontres. Comment s'est-il traduit dans les présentations et les échanges ?
Bénédicte Gastineau : La capacité de transformation et de résilience des sociétés africaines face aux violences et aux crises nous interroge tous. Une partie des panels et des séances plénières de ces rencontres visait donc à discuter les fantasmes et les stéréotypes autour des dynamiques qui fondent en partie l'attraction et la séduction exercées par ce continent. Par exemple, l’enchantement et les désenchantements suscités par la production des indicateurs de développement ont été au cœur de plusieurs séances. Nous avons débattu de l’invention de la catégorie “ classes moyennes ”, des Objectifs chiffrés de développement, des taux d’urbanisation etc. pour montrer que les chiffres produits par les statisticiens, les planificateurs et même les chercheurs véhiculaient des représentations, des présupposés.
La question des migrations est au cœur de l’actualité médiatique et politique. Que ressort-il des travaux présentés par les chercheurs sur ce sujet ?
B. G. : Les travaux présentés aux REAF nous rappellent d’abord que la majorité des migrations en Afrique sont intra-africaines. Les mobilités Afrique – Europe, au cœur de l’actualité, sont minoritaires. L’objet “migration” tel qu’il a été présenté aux REAF est d’une grande diversité. Cette dernière a permis de donner une lecture des mobilités moins monolithique que celles du “sens commun” en les replaçant dans leur contexte économique, historique et géographique. Ainsi, Didier Nativel, historien, nous a, par exemple, parlé de l’arrivée des marins malgaches et comoriens à Marseille au début du XXe siècle. L’intervention de Jocelyn Nappa, démographe, a porté sur la vie conjugale, transnationale des migrants congolais. La sociologue Marie-Dominique Aguillon a discuté de la notion de “migration management”. Et même les documentaristes, avec la projection de "GuangZhou : le rêve chinois", un documentaire sur la migration d’africains en Chine, ont nourri de leur regard cette question.
Aux marges des thématiques phares d’autres ont été explorées. Quelles sont celles qui vous apparaissent novatrices et interpellent les enjeux du développement ?
B. G . : Nous avons en effet retrouvé toutes les thématiques du développement : l’urbanisation du continent, l’accès à la santé et à l’éducation, les politiques économiques et le CFA… mais il intéressant de noter que plusieurs séances ont traité de sujets qui de prime abord s’éloignent de la préoccupation du développement. Par exemple, la séance “Dire l'amour, énoncer le désir” a rencontré un grand succès et au fil des présentations et des débats, on comprend comment travailler sur les sentiments amoureux ou la poésie par exemple ne peut pas être déconnecté des questions de développement. Toutes les thématiques ont leur place aux REAF.