Structure 3D virus hépatite B

Illustration 3D du virus de l'hépatite B

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Antiviraux en Asie : élimination de la transmission de l’hépatite B aux enfants ?

Mis à jour le 21.07.2020

Prendre du fumarate de ténofovir disoproxil, un antiviral permettant de prévenir la transmission du virus de l’hépatite B de la mère à l’enfant, n’a pas de conséquences sur la minéralisation des os de l’enfant à un an ni sur celle des os de la mère. Outre les perspectives thérapeutiques qu’ils ouvrent, ces travaux illustrent la capacité d’un pays comme la Thaïlande à mener des recherches cliniques dont les résultats serviront à toute l’Asie et au-delà.

257 millions : c’est le nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B dans le monde, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans les zones où cette maladie est fortement présente, comme en Asie du Sud-Est, les nouvelles infections se font essentiellement par transmission périnatale, de la mère à l’enfant. « Sans vaccination, 30 à 40 % des enfants dont la mère est porteuse du virus seront infectés in utero, lors de l’accouchement ou dans la petite enfance », explique Gonzague Jourdain, directeur de l’unité mixte internationale Prévention et traitement de l'infection à VIH et des cancers associés à des infections virales en Asie du Sud-est (PHPT). « Pour arrêter l’épidémie, s’attaquer à ce mode de transmission est clairement « la » solution ».

La stratégie actuellement recommandée par l’OMS est de vacciner contre l’hépatite B à la naissance puis d’associer ce vaccin aux autres recommandés à partir de l’âge de six semaines et deux mois. Pour les pays ayant intégré l’approche vaccinale, comme la Thaïlande depuis 1992, les résultats ont été spectaculaires : la prévalenceNombre de cas enregistrés à un temps donné chez les enfants vaccinés de moins de cinq ans est tombée à 0,3 %.

Les immunoglobulines, une stratégie coûteuse

Si la mère est infectée par l’hépatite B, l’administration aux nouveau-nés d’immunoglobulines spécifiques qui peuvent neutraliser les virus de l’hépatite B, en plus de la vaccination, juste après la naissance, diminue le risque de transmission de la mère à l’enfant.

« Les immunoglobulines sont des anticorps, préparés à partir de plasmas de personnes vaccinées et non infectées : elles constituent une défense spécialisée contre le virus de l’hépatite B », commente le chercheur. Elles confèrent une protection passive contre le virus pendant quelques mois, à condition d’avoir été administrées rapidement après l’exposition. Problème : les immunoglobulines sont coûteuses et ne préviennent pas toutes les transmissions. Avec son équipe, Gonzague Jourdain teste donc depuis 2013 une nouvelle approche : la prise par la mère, pendant la fin de la grossesse, d’un antiviral, le fumarate de ténofovir disoproxil (FTD). « La première étude(1), publiée en 2018, a montré que lorsque des immunoglobulines sont données aux enfants et qu’ils sont vaccinés, il y a très peu de transmission. Avec l’antiviral administré aux mères, il n’y a pas du tout de transmission », résume le médecin épidémiologiste.

Essais cliniques :  au Sud pour les pays du Sud

Toutes ces études, des essais cliniquesRecherche biomédicale organisée et pratiquée sur l’humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales , ont été réalisées dans toute la Thaïlande sous l’égide de l’unité PHPT, dans laquelle collaborent chercheurs de l’IRD et de l’Université de Chiang Mai, située au nord du pays. Depuis plusieurs années, les scientifiques n’ont eu de cesse de développer et de maintenir un réseau régional travaillant avec les standards de qualité internationaux. « Le but est que ce réseau prenne progressivement son autonomie tout en restant ouvert à des collaborations internationales si précieuses pour développer nos connaissances », conclue-t-il. D’autant que du fait de la similarité des problèmes de santé publique dans les pays d’Asie du Sud-est, la recherche faite dans un pays bénéficie aux autres de la sous-région.

Cliché pour évaluer la densité minérale dans les vertèbres lombaires L1 à L4 chez une femme un an après l’accouchement

© IRD/PHPT

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Pas de problème osseux avec le FTD

Mais « le ténofovir peut interférer avec le métabolisme phospho-calcique. Chez les adultes, des problèmes osseux peuvent se développer, pouvant même entraîner des fractures pathologiques, explique le scientifique. Pour savoir si la prise de FTD pouvait déclencher des problèmes de minéralisation osseuse chez les enfants dont la mère avait pris ce médicament pendant la grossesse, les chercheurs ont mené une étude complémentaire(2). « Pour cela, il était nécessaire de disposer d’une technique spéciale, le DXA Scan ou ostéodensitomètreGrâce à une double source de rayons X, il mesure la densité minérale osseuse. , qui heureusement était disponible dans certains hôpitaux en Thaïlande, reprend Gonzague Jourdain. Au final, dans notre étude, que ce soit pour les enfants ou les mères, nous n’avons pas détecté de différences de densité osseuse entre les groupes sous ténofovir et celui sous placebo. »

Fort de ces résultats, les chercheurs ont déjà commencé une nouvelle étude pour savoir s’il est possible de se passer des immunoglobulines, coûteuses et peu disponibles dans les contextes à ressources limitées. Si cette hypothèse se vérifiait – ce qui reste encore à prouver, cela faciliterait l’élimination de la transmission périnatale.


Notes :
1. G. Jourdain et al., Tenofovir versus Placebo to Prevent Perinatal Transmission of Hepatitis B, The New England Journal of Medicine, 8 mars 2018 ; doi : 10.1056/NEJMoa1708131

2. Nicolas Salvadori et al., Maternal and Infant Bone Mineral Density 1 Year After Delivery in a Randomized, Controlled Trial of Maternal Tenofovir Disoproxil Fumarate to Prevent Mother-to-child Transmission of Hepatitis B Virus, Clinical Infectious Diseases, 29 mars 2019 ; doi : 10.1093/cid/ciy982


Contact : Gonzague Jourdain