Mis à jour le 14.02.2019
Un système de culture original permet aux scientifiques d’améliorer leurs connaissances sur les orchidées africaines. En s’appuyant sur cet outil, une récente étude remet en cause les classifications antérieures et révèle l’existence de deux nouveaux genres et de plusieurs nouvelles espèces.
Un réseau d’ombrières à orchidées, développé en Afrique 1 depuis 1997, stimule les découvertes sur la classification de ces plantes 2. « Près de 90 % des orchidées collectées sur le terrain sont dépourvues de fleurs [la floraison des nombreuses espèces n’a pas nécessairement lieu durant les inventaires botaniques NDLR],et sont donc presque impossibles à identifier , explique le botaniste Vincent Droissart.Ces dispositifs reproduisant les conditions de la canopée, leur milieu naturel de prédilection, permettent de les cultiver et de les faire fleurir à portée de main des spécialistes ». Depuis sa mise en place, le réseau a produit plus de 15 000 spécimens de bonne qualité, auxquels sont associés des photographies et des fragments de feuille pour les analyses d’ADN.
Formidable diversité
Les orchidées comptent près de 30 000 espèces et sont l’une des familles végétales les plus importantes numériquement. Leur diversité est maximale sous les tropiques. Les deux tiers d’entre elles sont épiphytes – elles utilisent d’autres végétaux comme support pour se développer – et toutes interagissent avec des champignons, des arbres et des insectes pour leur installation, leur survie et leur reproduction. De ce fait, elles sont très sensibles aux changements environnementaux. En raison de la disparition rapide de leurs habitats naturels et de leur surexploitation à des fins commerciales, toutes les espèces de cette famille sont protégées par la CITES 3.
Cette problématique revêt une acuité particulière en Afrique où une plante sur quinze est une orchidée, et où cette famille représente 70 % des espèces épiphytes. Un projet d’exploration de la classification des orchidées africaines, s’appuyant sur la production du réseau d’ombrières, a mobilisé des chercheurs de 13 laboratoires dans six pays 4. Basé sur la combinaison de données moléculaires et morphologiques, ce travail s’est attaché à évaluer les liens de parenté au sein des angraecoïdes, la sous-tribu 5 d’orchidées la plus diversifiée d’Afrique. L'analyse de plus de 1 500 séquences d’ADN a mis en lumière les relations existantes entre les nombreux genres et les quelques 750 espèces de ce groupe.

Calyprochilum aurantiacum est une orchidée menacée de disparition uniquement connue dans quelques localités au Cameroun et en République du Congo.
© IRD/ V. Droissart
« Cette phylogénie, qui inclut 80 % des genres d’angraecoïdes, révèle l’existence de 6 nouvelles espèces et de 2 nouveaux genres, et propose le reclassement de 30 espèces dans d’autres genres , explique la botaniste Murielle Simo-Droissart, du Laboratoire de botanique systématique et d’écologie, à l'Université de Yaoundé I au Cameroun. Elle remet aussi en question la délimitation de 6 genres et recommande l’inclusion de nouvelles données pour leur classification ». Ce travail suggère également de fusionner plusieurs genres naguère considérés comme distincts. Parmi eux figure le genre Ossiculum, maintenant reclassé dans un genre à distribution géographique plus large 6. Jusqu’ici jugé comme hautement menacé de disparition car uniquement connu dans la région du sud-ouest du Cameroun, il a été récolté dans un parc national en République du Congo : la menace de disparition qui pesait sur lui est donc en réalité plus faible.
« En plus de leurs fonctions scientifiques, les ombrières à orchidées constituent un précieux système de conservation ex situ des espèces et un excellent outil éducatif pour le public et pour la formation des étudiants », conclut la jeune chercheuse.
Notes :
1. À São Tomé, en Guinée, au Cameroun, en Guinée Équatoriale, au Gabon et à Madagascar
2. Simo-Droissart M, Plunkett GM, Droissart V, Edwards MB, Farminhão JNM, Ječmenica V, D'Haijère T, Lowry II PP, Sonké B, Micheneau C, Carlsward BS, Azandi L, Verlynde S, Hardy OJ, Martos F, Bytebier B, Fischer E, Stévart T (2018) New phylogenetic insights toward developing a natural generic classification of African angraecoid orchids (Vandeae, Orchidaceae).Molecular Phylogenetics and Evolution
3. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction
4. Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Cameroun, États-Unis et France
5. Un des échelons de la classification situés entre la famille et le genre
6. Simo-Droissart M, Stévart T, Sonké B, Mayogo S, Kamdem N, Droissart V (2018) New taxonomic and conservation status of Ossiculum(Vandeae, Orchidaceae), a highly threatened and narrow-endemic angraecoid orchid from Central Africa.PhytoKeys .
Contacts : vincent.droissart@ird.fr / murielle.simo@gmail.com