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Agriculture maraichère périurbaine à Ouagadougou, Burkina Faso.

© IRD / CIRAD / Alain Rival

De nouveaux outils pour la gouvernance des terres ?

Mis à jour le 22.05.2019

Les chercheurs de l’IRD ont présenté leurs travaux sur les politiques foncières lors de la conférence de la Banque Mondiale "Land and Poverty".

 

Comment améliorer la gouvernance des terres pour réduire la pauvreté ? Les 1 200 participants à la conférence annuelle "Land and Poverty" de la Banque Mondiale 1 ont tenté d’apporter des éléments de réponse à cette question. Rendez-vous attendu des Etats, des bailleurs de fonds et des organismes travaillant sur la question foncière – ONG, think tank, instituts de recherche –  cette conférence est l’occasion de partager expériences de terrain, dispositifs et projets de développement liés au foncier. "Ces dernières années, l’accent a été mis sur la réalisation de cadastres grâce aux nouvelles technologies, précise le chercheur à l’IRD Philippe Lavigne Delville, présent à deux reprises à cette conférence. L’idée mise en avant est que ces nouvelles technologies ouvrent la voie à une meilleure transparence dans la gestion des terres. Mais se focaliser sur les outils ne permet pas de prendre en compte les enjeux sociaux et politiques liés au foncier."

Siège de la Banque Mondiale à Washington

© DR

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Dans ce contexte, les institutions de recherche présentent les résultats de leurs travaux sur le sujet. "Les chercheurs peuvent apporter des informations mettant certaines affirmations en perspective. Ils ont un rôle à jouer à travers leur regard critique sur le fonctionnement et les objectifs des acteurs du développement", estime le géographe à l’IRD Jean-Philippe Venot, en marge de la manifestation.

Ce dernier a d’ailleurs présenté les résultats d’un programme de recherche mené au Burkina Faso2 en lien avec un projet de développement financé par la Banque Mondiale. L’objectif du dispositif  est de promouvoir le développement de l’irrigation grâce à l’agro-entreprenariat. "L’idée qui sous-tend ce projet est que ces agro-entrepreneurs pourraient mettre en place des systèmes agricoles plus efficients et plus rentables que les agriculteurs familiaux. Ils seraient aussi en position de participer aux coûts élevés de construction des infrastructures", explique le chercheur. La création d’une société d’économie mixte, Bagrépôle, remplaçant les administrations publiques ayant historiquement géré la grande irrigation en Afrique de l’Ouest serait un gage supplémentaire d’efficacité.

Terres irriguées à Bagré, Burkina Faso

© IRD / Jean-Philippe Venot

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Mais à Bagré, le projet prend du retard : seuls 3 000 hectares supplémentaires de terres irriguées – au lieu de 15 000 – ont vu le jour en 5 ans. Aucun agro-entrepreneur ne s’est installé et ils semblent être trop fragiles pour contribuer aux coûts d’infrastructures, comme cela était espéré. Parallèlement, les agriculteurs familiaux se voient distribuer des superficies irriguées de petite taille comparativement aux terres qu’ils ont perdues. "Il y a un vrai risque, à terme, que ces populations vulnérables tombent dans le cycle de la pauvreté", poursuit Jean-Philippe Venot.

La conférence a été l’occasion de soulever ces problématiques mais aussi de mettre en lumière certains points positifs du projet, à savoir un système innovant de compensation des pertes en terre donnant la priorité aux populations affectées et prenant en compte la diversité d’accès et d’usage du foncier. "Les enjeux politiques sont tels dans le foncier qu’il est difficile de les remettre en question dans les projets de développement. Mais les chercheurs, en tissant des liens avec les décideurs lors de ce type d’événement, peuvent aider à la construction de réseaux d’acteurs porteurs d’analyses rigoureuses. Par les résultats de leurs recherches, ils alimentent les réflexions sur les politiques foncières ou les dimensions foncières des projets de développement", conclut Philippe Lavigne Delville.


Notes

1. La 18ème édition de la conférence s’est tenue du 20 au 24 mars à Washington sur le thème Responsible Land Governance -Towards an Evidence-Based Approach

2. Managing Bagré for equity and the environment, programme de recherche porté par le dispositif Water Land Ecosystem du CGIAR (IRD, CIRAD, Bagrépole, Laboratoire Citoyenneté, Agence de l’Eau du Nakambé, International Water Management Institute)


Contacts : Jean-Philippe Venot / Philippe Lavigne Delville