Mis à jour le 14.02.2019
Un groupe international d’experts des écosystèmes marins vient d’identifier les principales données biologiques à mesurer pour établir et suivre l’état de l’océan. La standardisation de ces variables vise à obtenir des observations utilisables à l’échelle globale et accessibles à tous.
Quelques indicateurs simples permettront bientôt de surveiller plus efficacement l'état de santé des océans. Une étude internationale, réunissant les compétences de spécialistes des principaux écosystèmes et organismes marins, vient de définir les variables biologiques essentielles à mesurer 1. « Notre but est de faire émerger des données d'observation standardisées, utilisables par tous, comparables dans le temps et dans l'espace, et exploitables à l'échelle globale , explique l'écologue marin Francis Marsac. Les données collectées seront mises à la disposition de l'ensemble de la communauté scientifique ». Cette initiative, soutenue par l'UNESCO 2, a l'ambition de créer dans le domaine des écosystèmes marins une dynamique équivalente à celle du GIEC sur le climat. Elle répond à la nécessité d'évaluer l'impact du changement climatique et de la pression anthropique sur la biodiversité marine. L'enjeu est de fournir les données nécessaires et pertinentes aux grands instruments de suivi de la biodiversité mondiale, la Convention sur la diversité biologique et l'IPBES 3.
Des milieux mal connus
Contrairement à l'océanographie physique ou à la biodiversité terrestre, très étudiées et disposant d'indicateurs standards établis depuis des décennies, les milieux marins restent mal connus. Cachés sous la surface, difficiles d'accès, peu observables par satellites et mus par des interactions très complexes, ils sont inégalement suivis d'une région océanique à l'autre. Les informations recueillies sont hétérogènes, à la fois au niveau des variables observées, des espaces échantillonnés et des séquences temporelles considérées. De ce fait, la synthèse des données est difficile et les résultats peu généralisables. « Les évaluations des populations de poissons, par exemple, sont surtout établies à partir des données de captures de la pêche commerciale , explique l'halieute Yunne Shin. Dépendantes de l'activité de ce secteur et biaisées par le ciblage des prises, ces données ne permettent pas d'établir précisément l'état des stocks, celui des écosystèmes ou l'impact des pêches. Les données issues d'échantillonnages scientifiques existent pourtant, et en grande quantité, mais elles sont disparates et jusqu'à présent pas accessibles à tous ».
« Nous avons préféré identifier les variables les plus utiles, parmi toutes celles d'ores et déjà mesurées par les systèmes d'observation et évoquées dans les grandes conventions internationales sur la protection de la mer , raconte Francis Marsac. Nous les avons inventoriées, puis classées en fonction de leur utilité, de leur facilité de mise en œuvre par tous acteurs impliqués dans l'observation et de leur pertinence scientifique ». Les chercheurs sont ainsi parvenus à distinguer huit variables essentielles. Quatre d'entre elles illustrent les composantes des milieux marins 4 , comme les planctons et les poissons, et les quatre autres témoignent de l'extension des habitats et de l'état de santé des écosystèmes 5, comme les récifs coralliens et les mangroves. « Elles correspondent aux informations de base à observer , précise Yunne Shin. S'agissant des poissons, la recommandation est au minimum d'en surveiller l'abondance et la distribution spatiale. Mais nous définissons aussi des variables complémentaires, comme la taxonomie ou la taille des poissons, qui pourront être observées selon les moyens et les besoins ».
Outre les variables mesurées, les experts se sont attachés à harmoniser les processus de collecte des données scientifiques en milieu marin 6. La dynamique engendrée par ce travail pourrait augurer une nouvelle ère de l'observation de la mer associant chercheurs, décideurs et société civile.
Notes :
1. Patricia Miloslavich1, Nicholas J. Bax, Samantha E. Simmons, Eduardo Klein, Ward Appeltans, Octavio Aburto-Oropeza, Melissa Andersen Garcia, Sonia D. Batten, Lisandro Benedetti-Cecchi, David M. Checkley Jr., Sanae Chiba, J. Emmett Duffy, Daniel C. Dunn, Albert Fischer, John Gunn, Raphael Kudela, Francis Marsac, Frank E. Muller-Karger, David Obura, Yunne-Jai Shin, Essential ocean variables for global sustained observations of biodiversity and ecosystem changes, Global Change Biology, avril 2018
2. Dans le cadre du programme Global Ocean Observing System
3. Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques
4. Biomasse et diversité du phytoplancton, Biomasse et diversité du zooplancton, Abondance et distribution du poisson, Abondance et distribution des tortues marines, des oiseaux de mer et des mammifères marins
5. Etendue et composition des coraux, Etendue des macro-algues, Etendue des herbiers marins, Etendue des mangroves
6. Framework for Ocean Observations, publié par l'UNESCO
Contacts : francis.marsac@ird.fr / yunne-jai.shin@ird.fr (LMI ICEMASA)