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Plantation de palmiers dattiers dans l’oasis de Zarat en Tunisie

© IRD / C. Lamontagne

Les origines du palmier dattier éclaircies

Mis à jour le 21.05.2019

Les recherches sur la domestication du dattier viennent de franchir un cap. La découverte de populations sauvages dessine les prémices de cette étape primordiale pour l'agriculture dans les oasis. Ces résultats éclairent l’histoire et ouvrent la voie à l’amélioration des espèces modernes.

Le dattier a enfin des racines… "La découverte d’une toute première population sauvage, dans le sultanat d’Oman, a permis d’éclairer ses origines énigmatiques", explique Muriel Gros-Balthazard, biologiste spécialiste de la domestication des plantes et co-auteure d’un récent article sur le sujet (1). Le palmier dattier est une plante extrêmement importante pour les régions chaudes et arides de l’Ancien monde, notamment dans le nord de l’Afrique et au Moyen-Orient. Il est même la clef de voute des agrosystèmes oasiens. Au-delà de fournir des dattes, il a en effet autorisé le développement des cultures fruitières et céréalières dans ces environnements brûlants, à l’ombre de son feuillage. Pour autant, l’histoire de sa domestication restait jusqu’à présent assez obscure. "Comprendre où, quand, comment et pourquoi nos ancêtres ont commencé à cultiver telle ou telle plante, puis à les sélectionner, est intéressant au plan historique, car c’est une étape primordiale dans la trajectoire des civilisations humaines, remarque la chercheuse. Mais cela peut aussi s’avérer très utile pour l’avenir, et  permettre d’améliorer les variétés modernes afin de faire face aux défis actuels(2) ". L’obstacle majeur dans cette quête des origines du palmier dattier, sur lequel les scientifiques n’ont cessé de buter, tenait au fait de ne pas en connaitre de populations sauvages. Il y a bien des populations non cultivées, recensées tant en Afrique qu’au Moyen-Orient, mais il semble s’agir d’individus féraux?plante ou animal domestiqué revenu à l’état sauvage . Ceux-ci sont vraisemblablement issus de cultures abandonnées ou de noyaux de dattes consommées, jetés à un endroit propice à la pousse de plants.

Palmier dattier avec régimes de dattes vertes

© IRD / P. Traissac

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"Des études morphométriques, menées sur des espèces sauvages d’autres palmiers, ont montré que les dattiers ancestraux devaient avoir des graines courtes et arrondies, contrairement aux arbres cultivés ou féraux", indique pour sa part Yves Vigouroux, spécialiste de la génomique des populations à l’IRD. L’allongement des noyaux est en effet une caractéristique des espèces sélectionnées par l’homme pour la taille de leurs fruits. Et de fait, les graines des dattiers inconnus, découverts lors d’une collecte systématique organisée en Oman?dans le cadre du projet ANR Phoenix, se trouvent être petites et rondes. Cet indice a suscité l’intérêt des scientifiques, les incitant à pousser plus avant leurs investigations. Selon l'analyse génétique pratiquée ensuite, ces individus ont une plus grande diversité génétique que toutes les variétés cultivées au Moyen-Orient. L'étude phylogénique montre quant à elle que les dattiers non cultivés d'Oman sont ancestraux. Le séquençage du génome complet de certains de ces précurseurs et de leurs descendants confirme l’antériorité des dattiers sauvages d’Oman. "Il semble qu’il y ait eu deux domestications distinctes, l’une au Moyen-Orient, à partir des dattiers omanais, puis une autre en Afrique, secondaire mêlant ces souches à des variétés sauvages locales. Mais ces dernières restent à découvrir", conclut la chercheuse.


Notes :

1. Gros-Balthazard, M., Galimberti, M., Kousathanas, A., Newton, C., Ivorra, S., Paradis, L., Vigouroux, Y., Carter, R., Tengberg, M., Battesti, V., Santoni, S., Falquet, L., Pintaud, J.-C., Terral, J.-F., Wegmann, D. (2017). The Discovery of Wild Date Palms in Oman Reveals a Complex Domestication History Involving Centers in the Middle East and Africa. Curr. Biol. 27, 2211–2218.e8

2. Notamment de trouver des gènes de résistance à la sécheresse et à la salinisation des sols.


Contacts : yves.vigouroux@ird.frmuriel.grosb@gmail.com