Mis à jour le 20.05.2019
Les populations afro-américaines sont porteuses d’une modification génétique favorisant les maladies rénales mais qui protège face à la maladie du sommeil. Cette particularité ouvre la voie à l’élaboration de nouveaux outils de diagnostic.
Paradoxal : un gène peut à la fois favoriser le développement d’une pathologie et protéger contre une autre. C’est le cas d’APOL1, dont certaines mutations sont spécifiques aux populations africaines. Selon les premières hypothèses, ces mutations offrent une protection face à la maladie du sommeil, pathologie fatale si elle n’est pas traitée. Les porteurs de ces mutations présentent cependant un risque accru de développer une maladie rénale, notamment chez les afro-américains. Une étude de terrain menée en Ouganda et en Guinée 1 vient de confirmer et préciser le lien, suggéré par de précédentes études expérimentales, entre ce gène aux multiples facettes et la susceptibilité à la maladie du sommeil.
« APOL1 comporte différents allèles dont deux sont appelés G1 et G2, précise le généticien Bruno Bucheton. Cette étude montre que les porteurs de la forme G2 ont cinq fois moins de chance d’être infectés par Trypanosoma brucei rhodesiense , l’agent responsable de la maladie du sommeil en Afrique de l’Est. En Afrique de l’Ouest où Trypanosoma brucei gambiense est endémique, au contraire, c’est la forme G1 qui est associée, non pas avec une protection vis-à-vis de l’infection mais plutôt un portage asymptomatique du parasite ». Ces deux mutations sont apparues il y a près de 10 000 ans dans les populations sub-sahariennes de façon concomitante avec la domestication des bovins et le développement de l’élevage en Afrique de l’Ouest. Elles se sont ensuite propagées à l’ensemble du continent notamment au travers de l’expansion Bantou à partir des terres originelles du Cameroun et du Nigeria.
Cette découverte offrirait de nouvelles pistes de lutte contre la maladie. Actuellement, les porteurs asymptomatiques de trypanosomes sont difficiles à diagnostiquer. N’étant généralement pas traités ils continuent à transmettre la maladie. « Des tests génétiques simples identifiant les mutations G1 et G2 pourrait améliorer le diagnostic des suspects sérologiques. Il serait alors possible d’administrer un traitement sans attendre que la maladie ne se déclenche, poursuit le chercheur. Une meilleure compréhension des mécanismes biologiques contrôlés par ces mutations ouvre également de nouvelles perspectives thérapeutiques à la fois pour la trypanosomiase et les maladies rénales. »
Note
1. Anneli Cooper, Hamidou Ilboudo, V Pius Alibu, Sophie Ravel, John Enyaru, William Weir, Harry Noyes, Paul Capewell, Mamadou Camara, Jacqueline Milet, Vincent Jamonneau, Oumou Camara, Enock Matovu, Bruno Bucheton et Annette MacLeod. APOL1 renal risk variants have contrasting resistance and susceptibility associations with African trypanosomiasis, eLife, 2017.
Contact : bruno.bucheton@ird.fr