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L'école de Nyamsong-Biatsotta, village inclus dans l'étude des chercheurs, où 95% des enfants de 5 à 10 ans étaient touchés par l'onchocercose en 1991

© IRD/Michel Boussinesq

Onchocercose et épilepsie : un lien temporel fort

Mis à jour le 14.02.2019

Le débat sur la possibilité que l’onchocercose puisse être une cause d’épilepsie anime depuis longtemps la communauté scientifique. Pour la première fois, une étude de cohorte montre de façon claire une relation temporelle entre les deux.

Un ver rond peut-il provoquer des épilepsies ? Oui, répondent Cédric Chesnais, Michel Boussinesq et leurs collègues. À l’appui de leur propos, une vaste étude de cohorte 1 menée au Cameroun, entre 1991 et 2017.

Les pays en développement abriteraient 90 % des personnes souffrant d’épilepsie. En zone tropicale précisément, cette pathologie est souvent due aux séquelles neurologiques de différentes maladies endémiques, comme le paludisme. Pour Cédric Chesnais et Michel Boussinesq, elle pourrait aussi être causée par l’onchocercose, une infection due au parasite Onchocerca volvulus . Ce dernier est transmis à l’Homme par des moucherons, les simulies, qui se reproduisent dans les cours d’eau.

Cécité et épilepsie des rivières

Dans le corps humain, la femelle du ver adulte produit des milliers de larves, dites microfilaires, qui migrent dans la peau et les yeux. Conséquences ? Des démangeaisons insupportables et des atteintes oculaires sévères qui valent à la maladie son surnom de « cécité des rivières ». En réalité, l’onchocercose pourrait tout aussi bien s’appeler « épilepsie des rivières » :« Dès 1938, la possibilité d’une association entre onchocercose et épilepsie a été suggérée au Mexique », raconte Cédric Chesnais, médecin épidémiologiste dans l’UMI TransVIHMI.

Même si de nombreuses études ont déjà montré l'existence d'une telle association, de par leurs méthodologies (études transversales et cas-témoins), elles ne permettaient pas de retracer l'historique de ces deux maladies : quelle maladie/infection avait précédé l'autre ? Dans ce contexte, « la force de notre étude , souligne Michel Boussinesq, médecin parasitologue dans la même unité, est d’être longitudinale . » Autrement dit, plusieurs mesures ont eu lieu au cours du temps.

En 1991, une évaluation parasitologique 2 a été effectuée dans 25 villages de la vallée de Mbam, au Cameroun. Objectif : mesurer le niveau d’infection par O. volvulus chez les personnes âgées de cinq ans et plus. 26 ans plus tard, en 2017, les scientifiques sont revenus dans sept communautés pour retrouver les sujets qui avaient été examinés en 1991 alors qu’ils étaient âgés de 5 à 10 ans et répertorier ceux qui étaient devenus épileptiques dans l'intervalle.

Une temporalité parlante

Le parasite de l’onchocercose est-il aussi responsable de crises d’épilepsie ?

© IRD - Michel Boussinesq

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Et les résultats sont éloquents : plus l’infection à O. volvulus était élevée en 1991, plus le risque d'avoir développé une épilepsie était grand. « Trois éléments - la temporalité des événements, la relation dose-effets (le risque augmente avec le niveau d'exposition) et la force de l'association (le risque relatif observé est supérieur à 10) – plaident fortement pour une relation de cause à effet entre onchocercose et épilepsie  », insiste Cédric Chesnais.

« Surtout , note Michel Boussinesq, le processus par lequel le parasite provoque l’épilepsie survient probablement aux alentours de cinq ans. Cela pose la question de l’âge à partir duquel on peut administrer l’ivermectine, médicament distribué massivement pour lutter contre l’onchocercose. Actuellement, les enfants de moins de cinq ans sont exclus du traitement. Peut-être faudrait-il abaisser le seuil pour diminuer le niveau d’infection chez les jeunes enfants, et prévenir la survenue d’une épilepsie ?  »

Pour valider l’hypothèse de causalité, il est crucial de confirmer les résultats obtenus dans la vallée du Mbam. Une étude en ce sens sera menée très bientôt dans une autre région du Cameroun.


Notes :
1. Cédric B Chesnais, Hugues C Nana-Djeunga, Alfred K Njamnshi, Cédric G Lenou-Nanga, Charlotte Boullé, Anne-Cécile Zoung-Kanyi Bissek, Joseph Kamgno, Robert Colebunders, Michel Boussinesq ;The Lancet Infectious Disease  ; 26 septembre 2018 ; The temporal relationship between onchocerciasis and epilepsy: a population-based cohort study

2. Michel Boussinesq et al . Bulletin de l'OCEAC, n°100 ; juin 1992 ; pp. 26-31


Pour en savoir plus :
Dans les années 1970, les chercheurs de l’Orstom ont joué un rôle clé dans le programme de contrôle de l’onchocercose 

Onchocercose : une nouvelle stratégie de traitement grâce au diagnostic par téléphone mobile


Contacts : cedric.chesnais@ird.fr / michel.boussinesq@ird.fr