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Au Sénégal, l'érosion côtière est exacerbée par le changement climatique et la hausse du niveau marin.

© IRD/Yann Castanier

Rapport du GIEC : atténuation et adaptation pour la transition africaine

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Mis à jour le 20.02.2019

Le 8 octobre, les experts du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont rendu un rapport spécial auquel a participé Arona Diedhiou, climatologue et physicien de l’atmosphère au sein de l'UMR IGE. Le chercheur revient sur cette expérience, et sur le contenu du rapport, à savoir les différences d’effets d’un réchauffement de 1,5°C au lieu de 2°C, et les moyens pour en limiter l’impact.

Arona Diedhiou

© DR

Bloc de texte

Quelles recherches menez-vous au sein de l’UMR IGE ?

 

J’étudie la variabilité hydro-climatique en Afrique, en particulier celle des événements à fort impact comme les épisodes secs en pleine saison des pluies et les vagues de chaleur. Et depuis peu, afin d’accompagner les États africains dans la mise en œuvre de leurs Contributions Nationales Déterminées 1 pour respecter l’Accord de Paris 2 en matière de réduction des émissions, nous sommes quelques-uns à l’IRD, et en particulier à l’IGE, à nous intéresser à l’évaluation du potentiel en énergies renouvelables en Afrique et au développement de services climatiques visant à renforcer la part des renouvelables dans le mix énergétique 3

Parmi vos travaux, quels sont ceux qui ont contribué au rapport du GIEC ?

Ceux qui portent sur les évolutions des précipitations et de la température sur 30 ans au Sahel de l’Ouest 4 , et ceux sur l’impact des changements climatiques en Afrique centrale et de l’Ouest dans le contexte d’un réchauffement global de 1,5°C 5 .

Comment s’est passée cette collaboration exceptionnelle ?

C’est une belle aventure humaine. Durant deux ans, 91 experts venus de 40 pays ont apporté chacun leur regard, tout en faisant preuve d’une grande ouverture d’esprit. Et l’exercice est d’autant plus intéressant qu’il nous est demandé de faire des synthèses de l’état de l’art [c’est-à-dire des connaissances, ndlr.], en précisant son degré d’incertitude ; incertitude qu’il faut traduire — après discussions et consensus — dans un langage calibré. Au final, je pense que nous avons répondu aux attentes avec ce rapport qui s’appuie sur 6 000 références scientifiques.

Quels sont donc les messages principaux à retenir ?

Au niveau global, entre les années 1960-1970 et les deux dernières décennies, la température a augmenté d’environ 0,5°C et les impacts de cette évolution se font déjà sentir. Le changement climatique affecte les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance dans le monde entier. Si nous maintenons le rythme actuel, nous devrions atteindre 1,5°C d’augmentation en 2030-2050. Autant dire que c’est demain.

Mais il est clair que les impacts seraient alors moindres qu’avec une augmentation de 2°C. Par exemple, à 1,5°C, le niveau de la mer va s’élever, mais de 10 centimètres de moins qu’à 2°C. Ces quelques centimètres, ce sont 10 millions de personnes impactées en moins ! De même, à 1,5°C au lieu de 2°C, elles seraient cent millions à être épargnées par les risques climatiques et donc par la pauvreté. Et les pénuries d’eau diminueraient de moitié. En Afrique, dans l’ouest de l’Afrique de l’Ouest, c’est à dire autour du Sénégal, et au sud du continent, les sécheresses seraient plus fortes et plus longues à 2°C qu’à 1,5°C. Et en Afrique de l’Est, les précipitations pourraient être plus intenses en Somalie.

Avez-vous des pistes pour limiter ces changements climatiques ?

Limiter le réchauffement à 1,5°C n'est pas impossible, mais nécessiterait des transitions sans précédent dans tous les aspects de la société. En Afrique, ces transitions doivent allier adaptation – au changement climatique - et atténuation – dudit changement, car il faut que les gens en voient directement les bénéfices pour pouvoir se les approprier. Par exemple, une réglementation pour des véhicules moins polluants dans les villes et les futures mégapoles africaines contribuera à l’atténuation des émissions et aura des effets bénéfiques sur la qualité de l’air et la santé des populations. Plus largement, l’éducation et la sensibilisation à l’environnement sont indispensables dès l’école primaire et tout au long du secondaire.


Notes :

1. Contributions Nationales Déterminées : Objectifs et mesures en matière climatique auxquels s’engage chaque pays.

2. Accord de Paris : Adopté en 1995, premier accord universel sur le climat juridiquement contraignant

3. répartition des différentes sources d’énergies primaires nécessaires pour répondre aux besoins d’un pays.

4.  Adeline Bichet et Arona Diedhiou. West African Sahel has become wetter during the last 30 years, but dry spells are shorter and more frequent , Climate Research , 2 juillet 2018 ; doi: 10.3354/cr01515

5. Arona Diedhiou, Adeline Bichet, Richard Wartenburger, Sonia I Seneviratne, David P Rowell, Mouhamadou B Sylla, Ismaila Diallo, Stella Todzo, N'datchoh E Touré, Moctar Camara. Changes in climate extremes over West and Central Africa at 1.5 °C and 2 °C global warming , Environmental Research Letters , 20 juin 2018 ; doi: 10.1088/1748-9326/aac3e5


Contact : arona.diedhiou@ird.fr