Mis à jour le 14.02.2023
Après 15 ans de pratiques dans l’esprit de l’agriculture climato-intelligente à Madagascar, les chercheurs sont formels : si elles permettent d’augmenter le stockage du carbone du sol, ces méthodes alternatives le font avec une grande variabilité. Le raisonnement doit donc se faire à l’échelle du territoire.
Assurer la sécurité alimentaire ; adapter les méthodes aux changements climatiques et atténuer l’effet de serre : tels sont les trois objectifs de l’agriculture climato-intelligente, ou Climate Smart Agriculture (CSA), en anglais. Pour y parvenir, différentes pratiques agricoles se côtoient, et toutes ne donnent pas les mêmes résultats 1 . C’est la conclusion du travail de synthèse effectué par Tantely Razafimbelo, au Laboratoire des RadioIsotopes, à Antananarivo, et Alain Albrecht, de l’unité Eco&Sols de l’IRD, sur diverses expérimentations mises en œuvre à Madagascar.
Une agriculture innovante
« Au départ, l’esprit de la Smart Agriculture– le concept initial – était assez simple : il s’inspirait de la notion de smartphone, smartcar et se voulait une agriculture connectée, innovante afin d’aider les agriculteurs , rappelle Alain Albrecht. Rapidement, elle a intégré la réalité des changements climatiques et de sa nécessaire adaptation, pour devenir la Climate Smart Agriculture. » Pratiquer une agriculture plus productive qui s’adapte aux changements climatiques tout en étant pourvoyeuse de puits de carbone dans le paysage constituent donc les deux versants de la CSA. Les puits de carbone ? Des zones qui stockent du carbone dans le sol. Cette séquestration du carbone atmosphérique, via la photosynthèse puis la décomposition des végétaux, est en effet une des façons de contribuer à atténuer l’effet de serre.
En ce sens, depuis 15 ans, en lien avec des ONG et des instituts de recherche, dont l’IRD, les agriculteurs malgaches testent différentes pratiques : l’agriculture de conservation, qui se base sur une réduction du travail du sol, une couverture permanente de ce dernier pour diminuer l’érosion et des rotations diversifiées, l’agroforesterie, qui consiste à associer des arbres aux cultures et le recours aux amendements organiques, qu’il s’agisse de fumier ou de compost. Pour savoir quelle est la plus efficace pour améliorer la séquestration du carbone, les chercheurs ont eu recours à deux approches : comparaison du stock de carbone avec celui d’une parcelle gérée de façon conventionnelle et comparaison entre le stock à la mise en place du dispositif et au bout de x années.
Raisonner à l’échelle du paysage
Les résultats indiquent une forte variabilité : la différence de stock pour l’agriculture de conservation va de 0 à 1,82 Mg C/ha/anMégagramme (tonne) de carbone par hectare et par an, tandis qu’en agroforesterie, l’écart avec la culture sur brûlis est de 0,68 Mg C/ha/an et que l’utilisation d’apports organique induit des augmentations de 0,16, 0,81 et 0,42 Mg C/ha/an. « Finalement, ce qui importe, c’est l’apport en matière organique : plus il y en a, plus le sol pourra stocker de carbone, explique Alain Albrecht. Se pose alors la question de la disponibilité des ressources. Si l’on souhaite augmenter l’apport en fumier, par exemple, il faut accroître sa production et donc l’élevage. Ce qui nécessite de renforcer la culture du fourrage… Il faut alors raisonner à l’échelle du paysage, du territoire car une seule exploitation agricole ne contient pas nécessairement toutes les ressources ! 2 »
Pour Alain Albrecht, cette dimension spatiale offre également l’intérêt de travailler avec de nouveaux partenaires : associations de producteurs, structures régionales… et renoue avec l’aspect co-constructif et participatif de la recherche sur l’agriculture climato-intelligente.
Pour en savoir plus :
La CSA s’inscrit dans l’initiative 4 pour 1000 : augmenter les stocks de carbone de 0,4% par an – ou 4 pour 1000 – dans les 40 premiers centimètres de sol pour stopper l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’atmosphère.
Notes :
1. T. M. Razafimbelo et al. Cahiers Agricultures , (27) ; mai-juin 2018 ; doi : 10.1051/cagri/2018017
2. K. Fujisaki et al. Agriculture, Ecosystems and Environment , mars 2018 ;
doi : 10.1016/j.agee.2017.12.008