Mis à jour le 20.02.2019
Une technique d’analyse ADN des grains de café vert, rapide et économique, permet de détecter la présence et la proportion de Robusta dans un stock d’Arabica. Elle pourrait préfigurer les tests anti-fraude du futur, nécessaires à cette filière économique tropicale.
Dans le monde de l’expresso, séparer le bon grain de l’ivraie est un enjeu gustatif et économique. Une nouvelle technique, mise au point par des scientifiques de l’IRD à Montpellier, pourrait aider les acteurs de la filière café à démasquer la présence de Robusta dans un lot d’Arabica. « Notre méthode permet même d’estimer la proportion d’un éventuel mélange entre les deux espèces », explique Marie-Christine Combes, biologiste moléculaire, co-auteure de ces travaux(1).
Les cafés Arabica et Robusta, cultivés en Amérique latine, en Afrique et en Asie, sont très consommés dans le monde. Pour autant, ils n’ont pas la même valeur marchande. Le premier, réputé pour ses qualités organoleptiques, est très prisé des amateurs. En outre, il pousse sur des territoires plus restreints, en altitude, et est assez sensible aux parasites. Aussi, est-il bien plus onéreux que le Robusta, dont l’arôme est moindre, la teneur en caféine bien plus forte et l’offre très abondante(2).
Fraude ou contamination
La tentation existe donc, pour des producteurs ou des intermédiaires peu scrupuleux, de faire passer l’un pour l’autre, et de couper un stock d’Arabica avec du Robusta. « La distinction morphologique entre les grains des deux espèces n’est pas toujours aisée, particulièrement face à de gros volumes de produit », indique la scientifique. Pas facile en effet de savoir si un silo, contenant des milliers de tonnes d’arabica, recèle 0 % de robusta, 1 ou 2 % liés à une contamination ou 30 % constitutifs d’une fraude…
Pour discerner les deux espèces, les spécialistes font appel à une méthode nommée HRM - pourhigh resolution melting. Celle-ci présente l’avantage d’être peu onéreuse et rapide à mettre en œuvre. Elle est donc particulièrement adaptée à l’analyse d’un très grand nombre de grains de café. Cette technique permet de différencier des fragments amplifiés d’ADN, à partir de leur température de dénaturation?Processus de séparation des deux brins de l’ADN, par rupture des liaisons, qui peut être provoqué in vitro. « Cette température est spécifique de la séquence d’ADN , indique la spécialiste.En ciblant des fragments dissemblables chez l’une et l’autre des deux espèces, on obtient un profil de température précis, reflétant leur présence et proportion dans l’échantillon considéré ».

L’analyse sans séquençage de 1% d’un stock de café Arabica permet de déterminer l’éventuelle présence et la proportion de Robusta.
© IRD/V. Vaissayre
Méthode très sensible
Pour rendre la méthode plus sensible, les scientifiques ont eu l’idée de cibler non pas l’ADN du noyau mais celui des futurs chloroplastes. Dédiés à la photosynthèse ou au stockage de composés de réserve, ces organites sont très abondants dans les cellules des plantes. L’intérêt de cibler les séquences d’ADN plastidial tient à leur nombre très important par cellule, garantissant une quantité élevée de copie de l’ADN. « Ainsi, en analysant un échantillon de 1 % du stock considéré, on obtient une évaluation précise de sa composition », précise-t-elle.
La méthode fonctionne très bien sur des grains verts. Elle est moins précise s’agissant de café torréfié. Bien que les températures élevées de la torréfaction ne dégradent pas complètement l’ADN, elles perturbent son amplification et la détermination des températures de dénaturation.
Cette technique de laboratoire pourrait être adaptée pour répondre aux besoins opérationnels des acteurs de la filière café. « Un développement supplémentaire, visant à distinguer les origines géographiques des cafés Arabica, pourrait aussi intéresser les opérateurs économiques. Les différents terroirs, en Ethiopie, au Kenya ou en Amérique du sud, et les qualités d’arôme qui leur sont attachées, constituent aujourd’hui un enjeu important dans l’établissement des prix », conclut la spécialiste.
Notes :
1. Combes M-C, Joët T., Lashermes P., Development of a rapid and efficient DNA-based method to detect and quantify adulterations in coffee (Arabica versus Robusta), Food Control, 18/01/18
2. Lashermes Philippe (ed.).Achieving sustainable cultvation of coffee : breeding and quality traits. Cambridge : Burleigh Dodds Science Publ., 2017, (39), 392 p. (Burleigh Dodds Series in Agriculture Science ; 39). ISBN 978-1-78676-152-1
Contact : marie-christine.combes@ird.fr