Mis à jour le 06.09.2023
Et si une microalgue marine considérée comme un « superaliment » pouvait répondre aux défis du changement climatique et de la malnutrition ? C’est par l’affirmative que nous répond Caroline Lory, chercheuse post-doctorante IRD à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO) de Marseille et nominée 2023 des Trophées de l’innovation de l’IRD. Rencontre avec une passionnée de la mer et de l’environnement au parcours professionnel atypique.
Certaines microalgues présentent des caractéristiques qui en font des aliments très bénéfiques pour la santé, des superaliments. Mais elles peinent à obtenir le « label bio » selon les critères établis par l'Union européenne. En cause ? La nécessité, pour assurer la croissance et la culture de certaines d’entre elles, d’ajouter des composés azotés dont la production est énergivore. Mais l’espoir est permis depuis que Sophie Bonnet, directrice de recherche IRD, a découvert en 2016 une nouvelle souche de microalgue dans le Pacifique Sud. Sa particularité ? Elle est diazotrophe. Autrement dit, elle a le pouvoir de fixer le diazote de l’air, une ressource gratuite, et de le transformer en ammonium, une molécule azotée utilisable par la microalgue.
La chimie pour fil conducteur
Après l’obtention de son diplôme d’ingénieur dans l’École supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon (CPE), en 2011, Caroline Lory intègre l’entreprise Michelin pour travailler sur l’industrialisation et la planification qualité.

Echantillons de souches de phytoplancton, récolté lors de la mission Tonga
© IRD - CNRS - Thibaut Vergoz
Ensuite, elle prend le large et intègre un master 2 en Chimie de l’environnement marin, à Brest puis un doctorat en océanographie au MIO à Marseille. « Après quatre ans chez Michelin, j’avais d’autres aspirations et je voulais compléter ma formation initiale en chimie et étudier celle qui est appliquée au milieu marin. La poursuite vers la thèse s’explique tout d’abord par mes rencontres, mais aussi par ma fascination pour les cours de biogéochimie permettant de comprendre le cycle des éléments. Dans le contexte du changement climatique, je me suis dit qu’il fallait se pencher sérieusement sur le sujet ! ». Pour le sujet de sa thèse, réalisée dans le cadre du projet TONGA (campagne océanographique ayant pour sujet l’étude des impacts des volcans sous-marins peu profonds sur la vie marine) dans le Pacifique Sud, Caroline Lory se concentre sur la compréhension des interactions des organismes phytoplanctoniques diazotrophes, issus de sources hydrothermales peu profondes, avec le fer, un oligoélément dont ils ont besoin.
Quelles conditions pour valoriser la microalgue ?

La microalgue diazotrophe est cultivée en photobioréacteur.
© Caroline Lory
Dans son projet HARMONIE (post-doctorat IRD), débuté en 2022 et se terminant fin 2024, Caroline Lory s’attelle à optimiser, en laboratoire, les paramètres de croissance et culture de la microalgue diazotrophe. L’enjeu de ces travaux est important au regard des nombreux atouts potentiels de cette nouvelle souche de microalgue diazotrophe.

L'observation en épifluorescence de la microalgue révèle la présence de pigments utilisés comme colorants naturels et antioxydants dans les industries agroalimentaire et cosmétique.
© Caroline Lory
Objectif production à l'échelle pilote
Caroline Lory, passionnée de surf depuis ses vingt ans, allie ses deux casquettes de recherche appliquée et de gestion de projets. D’une part, elle travaille en recherche et développement (R&D) en laboratoire, sur l'optimisation des conditions de culture et de système de production (notamment en photobioréacteurs), et d’autre part, elle pilote l'avancement du projet de valorisation de microalgue qui est un secteur passionnant en pleine émergence.
Prochaine étape pour le projet HARMONIE à l’automne 2023 : démarrer une première phase de production à l’échelle pilote en collaborant avec le CEA-Tech de Cadarache, centre de recherche et de développement qui possède notamment des infrastructures pour passer à l’échelle de plusieurs dizaines de litres, en photobioréacteurs et petits bassins ouverts.
« Je suis très honorée d’avoir été nominée dans le cadre des Trophées de l’innovation de l’IRD. C’est une belle opportunité pour faire évoluer le projet et faire connaître la valorisation des microalgues. Je voudrais aussi insister sur le fait que ce projet HARMONIE, est un travail d’équipe mené avec Sophie Bonnet et Mercedes Camps (ingénieure IRD), qui sont à l'origine de cette découverte et des premiers résultats sur cette nouvelle microalgue. »

Mention des trophées de l'innovation, avec des pétales de fleur stylisées arc-en-ciel
© IRD
L'IRD lance les premiers Trophées de l'innovation. Objectif : récompenser des doctorants et des jeunes chercheurs, porteurs de projets innovants, à fort impact dans les pays du Sud et les Outre-mer français, et répondant aux objectifs de développement durable. Deux trophées seront attribués lors de cette première édition. Ils seront remis à l’occasion du sommet Emerging Valley, programmé les 27 et 28 novembre prochains à Marseille. Les lauréats bénéficieront d'un prix de 10 000 euros pour financer les actions nécessaires au développement de leur projet, d'un kit de promotion et d'un accompagnement par des professionnels pour le lancement du projet.
Découvrez le portrait des six nominé·es.
- Clarisse Njovu Balegamire : paver les routes de rejets miniers
- Fangala Hamidou Coulibaly : synergie végétale contre les moustiques
- Souleymane Harouna-Diéte : sur la piste d'un alicament traditionnel
- Caroline Lory : cultiver des microalgues marines sans apports azotés
- Adèle Ouédraogo Rayangnéwendé : les déchets ménagers comme biofertilisants
- Deutz Régis Zafimamatrapehy : enrôler les pêcheurs de crabes