Mis à jour le 29.03.2021
Entre certaines légumineuses et bactéries, c’est la symbiose ! À l’abri dans leurs racines, ces dernières augmentent le rendement de la culture de ces plantes. À cette fin, les bactéries capables de produire des molécules lipidiques baptisées hopanoïdes, offriraient un réel avantage.
Parmi les 25 000 espèces bactériennes recensées dans le monde 1, elles font partie des most wanted . Elles ? Les bactéries Bradyrhizobiums, de l'ordre des Rhizobiums. Présentes dans plus de 99 % des sols, elles entrent en symbiose avec les légumineuses (soja, arachide, niébé…) et accroissent ainsi le rendement de leurs cultures. Comment ? En créant des nodules sur leurs racines, elles fixent l’azote atmosphérique et le transfèrent, sous une forme assimilable, aux plantes. L’intérêt tout particulier qu’elles suscitent réside dans leur capacité à résister à de multiples stress. De fait, ils sont capables d’enrayer les processus de symbiose. La salinisation et l’acidification des sols sont par exemple des menaces pour la bactérie, tandis que la plante hôte peut libérer des substances toxiques (acides, peptides antimicrobiens, etc). Mais ces bactéries ont une botte secrète : elles produisent des molécules lipidiques baptisées hopanoïdes. “En renforçant la paroi autour de la bactérie, les hopanoïdes permettent le maintien de la bactérie dans la cellule hôte , explique Eric Giraud qui vient de publier une synthèse sur le sujet 2. Sans ces lipides, la bactérie meurt et le nodule disparaît. ” La prépondérance des Bradyrhizobiums dans les sols du monde entier s’explique ainsi en partie par l’existence des hopanoïdes qu’elles produisent.
Intérêt agronomique
Les propriétés de ces molécules lipidiques pour résister à des stress à l’intérieur de la plante-hôte ou dans l’environnement extérieur les rendent particulièrement intéressantes au plan de la recherche agronomique. Confrontés à des conditions environnementales de plus en plus drastiques et des sols de plus en plus pauvres, les agriculteurs doivent mettre en œuvre de nouvelles méthodes culturales et bénéficient des travaux scientifiques en ce sens. “En Afrique, les agriculteurs utilisent actuellement des engrais azotés chimiques pour cultiver l’arachide et le niébé, poursuit le chercheur. Cette pratique est néfaste du fait de son coût financier et de ses impacts écologique et sanitaire négatifs. À la place, nous pourrions proposer d’introduire des bactéries adaptées à ces plantes et à ces conditions environnementales difficiles.” Les bactéries Rhizobiums qui seront utilisées pour inoculer les racines devront ainsi être sélectionnées en fonction de leur capacité à produire en grande quantité des hopanoïdes afin de remplacer efficacement les engrais chimiques actuels.
Des légumineuses aux céréales
Améliorer la symbiose entre les plantes et les bactéries s’avère essentiel pour l’agriculture mondiale dans un contexte de réchauffement climatique global. Mais si les Bradyrhizobiums peuvent s’associer aux légumineuses, ces dernières sont principalement cultivées et consommées en Afrique ou en Asie. Sur les autres continents, les céréales sont les cultures dominantes. L’un des défis scientifiques de demain sera ainsi de transférer cette capacité à créer des symbioses avec le riz, le blé ou le maïs.
Notes :
1. M. Delgado-Baquerizo, A. M. Oliverio, T. E. Brewer, A. Benavent-González, D. J. Eldridge, R. D. Bardgett, F. T. Maestre, B. K. Singh, N. Fierer. A global atlas of the dominant bacteria found in soil, Science , 2018.
2. B. J. Belin, N. Busset, E. Giraud, A. Molinaro, A. Silipo and D. K. Newman. Hopanoid lipids: from membranes to plant–bacteria interactions, Nature Reviews Microbiology , 2018
Contact : Eric Giraud