erosion-au-chili

Au nord-est du Chili s'étend la vallée de la Lune, un paysage de collines érodées et de vallées sculptées.

© IRD / C. Luro

Chili : une histoire de l’érosion

Sommaire

J'aime

1

Mis à jour le 29.07.2020

Le Chili constitue un terrain d’étude de choix pour les géologues, de par son gradient climatique exceptionnel. Ces dernières centaines d’années, le climat mais aussi les activités humaines ont fortement impacté les sols de ce pays. 

Le Chili est l’un des rares pays au monde à voir son territoire s’étaler sur plus de 4 000 km², d’un désert aride au nord à l’une des régions les plus humides du globe au sud. Avec un tel gradient thermique, il constitue un terrain d’étude exceptionnel pour les chercheurs qui s’intéressent à l’impact du climat sur l’érosion. Depuis 25 ans, des scientifiques français et chiliens collaborent autour de cette thématique. Un premier état des lieux de leurs recherches communes, reconnues au niveau international, fait l’objet d’une publication dans la revue Geomorphology 1.

Le rôle d’El Niño

« La topographie du Chili, positionné sur les fortes pentes de la cordillère des Andes, est un facteur majeur d’érosion, souligne le géologue de l’IRD Sebastien Carretier. L’impact du climat est ainsi difficile à déterminer au long cours. Mais pour la première fois, nous avons quantifié le rôle des événements extrêmes sur l’érosion du pays. Les effets d’El Niño sont plus importants sur les terres arides situées au nord où les précipitations sont moindres. Dans cette région, il contribue à 90 % de l’érosion moyenne sur des échelles millénaires. Inversement, au sud où les pluies sont plus fréquentes, El Niño influe moins sur l’érosion, de l’ordre de 10 %. Il existe donc un gradient de l'impact érosif des événements extrêmes en fonction du climat. » Le climat aride impacte en effet l’état des sols : très sensibles aux changements, ils se détachent facilement, surtout durant les périodes humides où ils subissent des précipitations très importantes.

Une activité humaine agressive

Pour autant, le climat n’est pas le seul facteur de dégradation des terres : les activités humaines qui se concentrent dans le centre du pays (de Santiago à la région de l’Araucanie) y contribuent aussi fortement. « La déforestation et l’érosion des sols sont aussi vieilles que la présence humaine dans ces régions qui a débuté il y a -12 000 ans environ, explique la géomorphologue chilienne Violeta Tolorza. Mais l’agriculture inca était peu agressive, les paysages étaient composés de forêts, entrecoupées d’espaces destinés à l’agriculture et à l’élevage. A leur arrivée, les colons espagnols ont détruit les forêts primaires pour construire leurs villes, des bateaux et planter du blé. En tout, ce sont plus de 15 millions d’hectares de forêt qui ont brûlé jusqu’au début du 20ème siècle. »

Le nord du Chili souffre d'une érosion importante pendant les évènement extrêmes de type El Niño du fait de son climat aride.

© IRD / G. Gabalda

Bloc de texte

Devenu le grenier à blé mondial sous l’impulsion des Espagnols, le Chili voit ses capacités de production diminuer drastiquement au fil des siècles. Au point que le pays doit importer cette céréale à partir de 1936. Dans la région de l’Araucanie, les arbres ne poussent plus. La disparition de la forêt primaire et le lessivage des terres fertiles opérés depuis le 16ème siècle ont détruit les sols. « Sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), la politique de déforestation s’est poursuivie et les plantations de pins et d’eucalyptus ont été encouragées, ajoute Sebastien Carretier. Même aujourd’hui, il n’y a pas de réelle prise de conscience politique du problème. »

Couvert végétal et mouvements géologiques

Les chercheurs viennent ainsi de déterminer le rôle protecteur du couvert végétal contre la dégradation des terres sur une période de deux à trois siècles. A une échelle plus longue, sur plusieurs milliers à millions d’années, ils ignorent encore les effets des végétaux sur les mouvements de terrain géologiques. Bien qu'elles retiennent  les sols, les forêts participent à leur développement et accroissent de fait les  masses de terrain qui peuvent disparaitre lors d’inondations ou de tremblements de terre. Mieux comprendre les relations entre l’érosion, la dynamique terrestre et le couvert végétal constitue l'un des futurs axes d’étude des chercheurs franco-chiliens.