Mis à jour le 21.10.2022
Pionnier du traitement court de la tuberculose pulmonaire, Christian Lienhardt, médecin épidémiologiste, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à TransVIHMIRecherches translationnelles appliquées sur le VIH et les maladies infectieuses endémiques et émergentes, reçoit le 22 novembre le prix Mémain-Pelletier - Fondation de l’Institut de France de l’Académie des sciences. Cette distinction vient saluer une carrière dédiée à la recherche sur les affections dans les pays à faibles revenus, entamée à une époque où la tuberculose était négligée. Une carrière qui a accompagné les remarquables progrès accomplis dans les deux dernières décennies.
La vocation prend souvent ses racines dans l’intime. Celle de Christian Lienhardt pour la médecine ne fait pas exception : victime d’un accident de la circulation dans l’enfance, il fréquente les hôpitaux comme patient, et forge très tôt son envie de soigner. Naturellement, il entame des études de médecine à Strasbourg, où vit sa famille, dans les années 1970. « J’avais l’intention de faire de la médecine clinique, explique-t-il, et je me suis rapidement intéressé aux maladies infectieuses et aux problématiques propres aux pays en développement. » De fait, il consacre sa thèse à la tuberculose puis se spécialise en médecine tropicale.
Afghanistan, Soudan, Éthiopie

Consultation de pneumologie à l’hôpital de Fann, à Dakar au Sénégal. La lutte contre la tuberculose est un enjeu sanitaire majeur pour les pays du Sud.
© IRD - Jean-Jacques Lemasson
Il est parmi les tous premiers humanitaires à partir en Afghanistan en1981 avec l’ONG Aide médicale internationale. Il enchaine ensuite avec un poste de médecin coordinateur des soins dans les camps de réfugiés au Soudan : pendant que le monde artistique occidental chante son soutien aux victimes de la famine en Éthiopie, il partage son temps entre 17 camps qui accueillent une centaine de milliers d’entre elles, examinant des patients et formant les soignants issus de leurs rangs…
« J’ai alors pris pleinement conscience des enjeux du développement dans l’état sanitaire des populations, estime Christian Lienhardt. Et j’ai compris que je serais plus utile en contribuant à la compréhension et à la résolution de problèmes de santé publique, en particulier par la recherche. » Dans une perspective beaucoup plus axée sur le développement, il se consacre alors à aider à la mise en place de programmes régionaux de santé au Burkina Faso.
Recherches sur le terrain
Il rejoint ensuite la London School of Hygiene and Tropical Medicine pour suivre une maitrise d’épidémiologie.

La précarité sociale et sanitaire rend difficile l’observance des traitements longs de la tuberculose. En réduire la durée permet de mieux soigner les malades.
© IRD - HARDI - Thibaut Vergoz
Il y est recruté comme maitre de conférence assistant, pour travailler pendant trois ans sur la lèpre, une maladie cousine de la tuberculose. Puis il repart en Afrique pour mener des recherches sur la tuberculose cette fois, au sein du Medical Research Council anglais puis de l’IRD. Pendant dix ans, il s’emploie à éclaircir les mécanismes physiopathologiques, immunologiques et génétiques de la maladie. Il met sur pied des études multicentriques Études qui se déroulent dans plusieurs lieux (hôpitaux, cliniques…). C’est un critère de qualité permettant d’éliminer des biais.en Guinée et en Gambie sur sa transmission au sein des foyers, études lui permettant d’obtenir un doctorat en épidémiologie. Il s’intéresse aussi au traitement de la maladie.
Essais cliniques
« Il fallait alors six ou huit mois de traitement pour guérir de la tuberculose – contre deux ans, auparavant – mais cela restait trop long et nombre de patients interrompaient leur cure prématurément avec de funestes conséquences en matière de santé et d’émergence de résistances », raconte-t-il.

Le raccourcissement de la durée des cures est un enjeu pour l’acceptation et l’observance du traitement contre la tuberculose.
© IRD - Jean-Grégoire Kayoum
S’appuyant sur de nouveaux médicaments, il lance en 2003 des essais cliniques dans cinq pays d’Afrique, pour ramener la durée du traitement à quatre mois. Les résultats ne sont pas encore probants, mais l’idée fait des émules. Une équipe du Centers for Disease Control and Prevention (CDC), l’agence américaine de protection de santé publique, entre autre, reprend la méthodologie avec des doses plus importantes. Cela aboutit, il y a deux ans, à la validation d’un nouveau traitement court de la tuberculose, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles possibilités thérapeutiques. Il participe également aux essais d’un nouveau vaccin, pour remédier aux insuffisances du BCG, peu efficace chez les adultes.
Stimulation de la recherche
Rompu aux différentes approches scientifiques de la lutte contre la tuberculose, Christian Lienhardt est appelé à rejoindre l’OMS en 2009 pour développer un programme de promotion et stimulation de la recherche. Il établit un état de l’art des connaissances scientifiques, pour distinguer les priorités essentielles des importantes.

Le programme de l’OMS pour la stimulation de la recherche sur la tuberculose a mobilisé les volontés dans les pays de haute prévalence de la maladie.
© IRD - Marc Choisy
« Nous avons ainsi pu encourager les pays de haute prévalence de la maladie à intégrer la recherche sur la tuberculose dans leurs agendas et mobiliser les donateurs avec un certain succès puisque leurs contributions ont significativement augmenté depuis les cinq dernières années », précise-t-il.
En parallèle, il continue à travailler sur le développement de nouvelles combinaisons thérapeutiques, pour des traitements plus courts, plus efficaces, moins toxiques, et valides contre toutes les formes de tuberculose. Et un nouveau projet européen vient de voir le jour, doté de 90 millions d’euros, impliquant une vingtaine d’organismes de recherche dont l’IRD, pour raccourcir encore la durée des cures antituberculeuses et les ramener à deux ou trois mois.

© IRD - Julie Sansoulet
Intéressé par les maladies infectieuses et les problématiques sanitaires des pays du Sud, Christian Lienhardt a pratiqué la médecine humanitaire, la recherche clinique opérationnelle puis a animé le fructueux programme sur la tuberculose de l’OMS.