Mis à jour le 24.06.2020
À l'image des grandes métropoles sud-américaines, les besoins en eau de la capitale de l’Équateur ne cessent d'augmenter. L'entreprise publique qui gère cette ressource précieuse à Quito s'est associée à l'IRD afin d'approvisionner la population de cette ville en eau de bonne qualité sans compromettre l'environnement.
Avec près de trois millions d'habitants, la région de Quito est une des plus densément peuplées des Andes. Implantée à 2 850 mètres d'altitude et entourée de volcans, la capitale équatorienne couvre une partie de ses besoins en eau potable en captant par gravité une fraction du débit de rivières situées en amont, sur le versant amazonien. Ces cours d'eau font partie intégrante du « páramo ». « Cet écosystème typique des Andes correspond à des plateaux situés à plus de 3 500 mètres d'altitude et couverts de prairies très humides et de tourbières », explique Olivier Dangles, écologue au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. En cas de captage trop important, il y a donc un risque d'assèchement de ce milieu fragile à la biodiversité importante. « Nous cherchons à optimiser à partir d'études scientifiques les prélèvements d'eau tout en minimisant leur impact sur l'environnement », précise Rafael Osorio Sánchez, responsable du département de gestion des ressources hydriques de l'EPMAPS(1), l'entreprise publique chargée de l'approvisionnement et de l'assainissement de l'eau à Quito. Dans ce but, l'EPMAPS et l'IRD avec l'aide de plusieurs autres acteurs (voir Encadré), ont mis en place un projet pilote pour étudier et atténuer l'effet environnemental de onze zones de captage sur les cours d'eau du bassin de la rivière Chalpi, dans la province de Napo, à 40 kilomètres à l'est de Quito(2).

Captage d'eau potable où l'on observe le débordement du débit vers la rivière pendant la saison hivernale.
© Cornell University/Daniela Rosero López
Un compromis entre prélèvement et environnement
Dans un premier temps, des données recueillies dans des stations hydrologiques et sur le terrain au cours des vingt dernières années ont montré que l'effet cumulatif de ces prélèvements d'eau altère le débit des rivières en aval. Avec pour conséquence une biodiversité amoindrie. Par ailleurs, « ces infrastructures isolent 60,1 kilomètres de cours d'eau en amont, empêchant notamment la libre circulation des espèces animales », poursuit Olivier Dangles. Cependant, ces données ont aussi permis de développer, à partir d'une méthode d'optimisation basée sur la loi de Pareto80 % des effets sont le produit de 20 % des causes., des scénarios qui permettent d'assurer les besoins en eau tout en réduisant cet impact sur l'environnement. Les prélèvements sur ces onze sites de captage peuvent en effet être combinés différemment en fonction de la demande et des mois de l'année. Ainsi, en juin, pendant la saison humide sur le versant amazonien, deux captages sur onze seraient suffisants pour satisfaire les besoins en eau.
La qualité de l'eau dépend du páramo
Ces résultats vont contribuer à faire évoluer la gestion de cette ressource. « Un fonctionnement optimisé des systèmes de captage permettrait de garantir les prélèvements par gravité tout en conservant des débits écologiques », se réjouit Rafael Osorio Sánchez. Ces débits, aussi appelés débits réservés, correspondent au flux minimum nécessaire pour préserver la faune et la flore de la rivière en aval de l'infrastructure concernée. « Or la sauvegarde de cette biodiversité permet aussi de prévenir la prolifération d'algues et ainsi de maintenir la qualité de l'eau, qui peut faire l’objet d’un autre captage plus en amont », poursuit Olivier Dangles. Bien qu'encore au stade théorique, ces résultats indiquent donc qu'une gestion durable de l'eau peut allier contraintes économiques et écologiques.
La transdisciplinarité au service de la durabilité
Ce projet a été rendu possible grâce au concours de nombreux acteurs venus de multiples horizons. Hydrologues, écologues, techniciens, ingénieurs, d'Amérique latine, d'Europe ou encore des États-Unis... C'est ce partenariat étroit entre collaborateurs locaux, gestionnaires et chercheurs qui a permis de résoudre ce problème concret. « C'est un cas d'école de la science de la durabilité », déclare Olivier Dangles, enthousiaste. Outre l'IRD et l'EPMAPS, ce partenariat a aussi compté sur la participation du FONAG(3), une fondation scientifique privée locale œuvrant notamment pour la conservation des bassins hydrographiques et de la biodiversité avec l’appui des communautés. Par ailleurs, des étudiantes équatoriennes et des chercheurs de l'université de Cornell aux États-Unis ont également collaboré à ce projet qui a été soutenu par l'Agence française de développement (AFD).
Notes :
1. EPMAPS : Empresa Pública Metropolitana de Agua Potable y Saneamiento
2. Dunia González‐Zeas, Daniela Rosero‐López, Todd Walter, Alexander Flecker, Pablo Lloret, Bert De Bièvre, Thomas Condom, Rafael Osorio, Olivier Dangles, Designing Eco‐Friendly Water Intake Portfolios in a Tropical Andean Stream Network, Water Resources Research, 1 août 2019
3. FONAG : Fondo para la protecciòn del agua
Contact : Olivier Dangles, CEFE UMR 251