Mis à jour le 25.04.2019
Stocker du carbone de l’air dans les sols pour lutter contre le réchauffement climatique : c’est le but de l’ambitieuse stratégie « 4 pour 1000 ». Objet d’un programme de recherche international, cette initiative mobilise plusieurs équipes à l’IRD.

Associer la culture de céréales et de légumineuses, ici, le niébé, permet d'améliorer la qualité des sols grâce à la captation de l'azote.
© IRD -Tiphaine Chevallier
Lors de la 24e Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP24), qui s’est tenue du 3 au 14 décembre 2018 en Pologne, il a été beaucoup question de la stratégie « 4 pour 1000 », lancée par le gouvernement français le 1er décembre 2015 lors de la COP 21.
Soutenue par 300 États, établissement de recherche, organisation agricoles, ONG, et banques, cette initiative est née d’un constat frappant : à l’échelle de la planète, les sols agricoles et forestiers contiennent deux fois plus de carbone que l'atmosphère. « Le carbone de l’air est piégé par les plantes lors du processus biologique de la photosynthèse?Processus permettant aux plantes vertes de synthétiser de la matière organique à partir du CO2 et de l'énergie lumineuse, et se retrouve ensuite dans les racines ou dans le sol même, après dégradation des parties aériennes de la plante par des bactéries », explique Jean-Luc Chotte, pédologue et directeur de l’UMR Eco&Sols. D’où l’idée d’optimiser ce processus naturel pour piéger tout ou partie du dioxyde de carbone (CO2) émis par les activités humaines, et responsable du réchauffement climatique. « Pour compenser l’augmentation annuelle des émissions de CO2, précise Jean-Luc Chotte, il suffit d’augmenter le stock de carbone dans les 30-40 premiers centimètres du sol, de seulement 0,4 % par an, soit de 4 pour 1000 - d’où le nom de l’initiative. »
Multidisciplinarité nécessaire
Pour réussir ici, la recherche devra relever plusieurs défis majeurs : « Mieux appréhender les mécanismes de séquestration du carbone dans les sols, identifier des plantes pouvant augmenter ce stockage, développer des techniques pour le mesurer, déterminer si le stockage peut être affecté par le réchauffement climatique, définir comment accompagner les agriculteurs pour le favoriser, etc. », liste le podologue.
Spécialistes du sol, agronomes, mais aussi physiciens, sociologues, ou encore économistes : la recherche autour de l’initiative 4 pour 1000 fédère des chercheurs de multiples disciplines. À l’IRD, elle mobilise plusieurs équipes. Par exemple, l’unité Espace-Dev, qui travaille sur le développement de technologie de télédétection pour évaluer l’état des sols ; ou l’unité Eco&Sols qui étudie les déterminants du cycle du carbone dans les agrosystèmes. Mais également plusieurs laboratoires mixtes internationaux (LMI), comme le LMI LUSES de la région Sud-est asiatique ; ou le LMI IE-Sol en Afrique de l’Ouest.
En s’appuyant sur ces entités de recherches, le Programme structurant interdisciplinaire en partenariat (PSIP) « Séquestration continentale du carbone » a été lancé en 2016. Rassemblant différentes compétences scientifiques, il a pour vocation d’organiser la réflexion pour identifier les moyens d’augmenter les stocks de carbone dans le sol.

© IRD - IRA - Christian Lamontagne
L'apport de résidus de culture, comme le palmier, permet d'améliorer le stockage du carbone dans les sols.
Faire dialoguer les acteurs du développement durable
Plusieurs résultats importants dans le domaine ont déjà été publiés. Ainsi, en mai 2018 une équipe impliquant des chercheurs du laboratoire Eco&Sols a montré que plus la quantité de carbone organique apporté sous forme de fumier ou encore de résidus de culture est importante, plus la capacité des sols tropicaux à stocker du carbone augmente(1). « Ce résultat suggère que les efforts visant à augmenter les stocks de carbone dans le sol doivent être axés sur les pratiques qui augmentent les intrants organiques », concluent les auteurs.
Pour aller plus loin, « il faut absolument intensifier la recherche dans ce domaine », plaide Jean-Luc Chotte. C’était d’ailleurs un des buts du séminaire autour de l’initiative 4 pour 1000, qui s’est tenu à Sète le 7 et 8 novembre 2018 : appeler à un financement à la hauteur des enjeux et de l’urgence climatique. Au-delà, Jean-Luc Chotte insiste : « Faire dialoguer tous les acteurs impliqués dans le développement durable : scientifiques, ONG, organisations professionnelles, décideurs, c’est aussi le rôle de l’initiative 4 pour 1000. » Tout un programme...
Notes :
1. Kenji Fujisaki, Tiphaine Chevallier,Lydie Chapuis-Lardy, Alain Albrecht, Tantely Razafimbelo, Dominique Masse, Yacine Badiane Ndour, Jean-Luc Chotte, Soil carbon stock changes in tropical croplands are mainly driven by carbon inputs: A synthesis, Agriculture, Ecosystems & Environment, 21 mars 2018
Contact : Jean-Luc Chotte