Mis à jour le 29.07.2020
Comment diminuer le taux de mortalité maternelle ? Le Bénin et le Mali ont notamment répondu à cet enjeu en mettant en place la gratuité de la césarienne. Mais cette mesure résout-elle les problèmes d’inégalités d’accès aux soins ? Réponse avec les travaux d’Alexandre Dumont, épidémiologiste au CEPED.
La mise en œuvre de politiques de gratuité pour les césariennes, au Bénin et au Mali, n’a pas accru les inégalités d’accès aux soins pré-existantes. C’est la conclusion de l’étude dirigée par Alexandre Dumont, épidémiologiste au Centre population et développement. Mais pourquoi une telle question ? « Dans le domaine de l’accès aux soins, deux idées s’opposent sur les effets des mesures de gratuité pour tous. Pour certains, elles profitent à tout le monde, en particulier aux plus pauvres, et de ce fait, réduisent les inégalités. Pour d’autres, à l’inverse, ces politiques bénéficient à ceux qui sont déjà les plus favorisés : plus informés, ils auraient encore plus de facilité d’accès aux soins », résume le chercheur, lauréat du Birth Day Prize Appel lancé dans le cadre d’Horizon 2020 pour répondre au défi « Santé, changement démographique et bien-être ». Il récompense les solutions qui ont le mieux démontré une réduction significative de la morbidité et mortalité maternelle et des nouveau-nés dans les services de maternité de pays à ressources limitées.1.
Inégalités socio-économiques en jeu

La gratuité de la césarienne ne suffit pas à réduire les inégalités d'accès au Bénin et au Mali.
© IRD/Clémence Schantz
Alors que le taux de mortalité maternelle a diminué depuis 1990 à travers le monde, 275 000 femmes par an décèdent toujours en donnant naissance, et près de la moitié d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. Premières victimes, les femmes pauvres, peu instruites ou habitant en milieu rural : elles ont en effet moins accès aux accouchements institutionnels. Cette inégalité se retrouve dans l’accès à la césarienne. Alors que ce geste chirurgical peut sauver la vie de la mère et de l’enfant quand il est pratiqué à propos, dans sept pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, moins de 1 % des femmes les plus pauvres en zone rurale en bénéficie. Un chiffre largement en dessous des besoins (3,6 à 6,5 %). Par contraste, huit de ces pays présentaient un taux de recours à la césarienne supérieur à 4 % chez les femmes riches et urbaines.
En 2005 et 2009 respectivement, le Bénin et le Mali, pays dont les taux de mortalité maternelle étaient très élevés (405 et 587 pour 100 000 naissances vivantes), ont choisi de rendre gratuit l’accès à la césarienne. En s’appuyant sur trois enquêtes démographiques et de santéLes enquêtes démographiques et de santé, réalisées depuis 1984, ont pour but l'analyse de données sur la population, la santé, le sida et l'alimentation dans les pays en développement.1 couvrant une période de 15 ans pour les deux pays, Alexandre Dumont et ses collègues ont voulu vérifier si ces mesures avaient permis de réduire les inégalités. « Les premières analyses avaient déjà montré que les politiques de gratuité avaient amélioré l’accès aux soins, en augmentant le pourcentage de femmes qui accédaient aux accouchements en formation sanitaire de manière générale, et à la césarienne en particulier, précise l’épidémiologiste. En revanche, si les inégalités ne se sont pas creusées, elles se sont majoritairement maintenues, sauf au Mali, entre les femmes les plus instruites et les moins instruites. »
Forfait obstétrical
Pour Alexandra Dumont, ces mesures de gratuité ne sont donc pas suffisantes, elles devraient s’accompagner d’actions plus ciblées envers les populations les plus vulnérables : « il pourrait s’agir par exemple de rendre la césarienne totalement gratuite pour la femme, du transport aux médicaments, et pas seulement l’acte chirurgical comme c’est le cas actuellement. » Le chercheur souligne également que d’autres politiques de santé sont en cours d’évaluation, à l’instar d’un forfait obstétrical à 15 euros, en Mauritanie, permettant à chaque femme enceinte d’être couverte en cas de césarienne. Un pas de plus vers la couverture universelle santé, un des objectifs de développement durable. « Il existe plusieurs politiques de financement de la santé, et pas de solution miracle pour le moment », conclut Alexandre Dumont.