Mis à jour le 28.11.2019
Le microbiologiste moléculaire Jean-Christophe Avarre a reçu le prix Innovation de l’I-SITE MUSEI-SITE MUSE : Initiatives-Science – Innovation –Territoires – Economie (I-SITE), un label du Programme Investissements d’Avenir, Montpellier Université d’Excellence1, édition 2019. Cette distinction récompense ses travaux sur le développement d’outils de diagnostic moléculaire au service des populations du SudRécompensant l’ensemble de ses travaux visant à "allier le diagnostic moléculaire à l’optimisation durable des élevages aquacoles dans un contexte de changements globaux", selon les termes du jury.1.
Ses professeurs l’encourageaient à faire hypokhâgne, et son goût pour la littérature l’y incitait aussi… Mais l’attirance pour les sciences et la technologie a été la plus forte : en 1994, Jean-Christophe Avarre se lance dans un double cursus universitaire à Bordeaux, en faisant à la fois une maitrise de chimie et une autre de biochimie.
Il enchaine ensuite avec un DEA en neuropharmacologie, au cours duquel il se familiarise avec la spectrométrie de masseTechnique d’analyse qui permet la détermination des masses moléculaires de composés ainsi que leur identification et leur quantification. pour caractériser la structure tridimensionnelle des protéines. Puis il part mettre ses connaissances en pratique, comme volontaire à l’aide techniqueUne des formes du service national, pour travailler sur les crustacés dans un laboratoire de l’Ifremer à Tahiti. Il entreprend ensuite sa thèse sur la même thématique, les interactions entre physiologie de la reproduction et maladies infectieuses chez les crevettes d’aquaculture, à l’Institut israélien d’océanographie et de limnologie.
Conscient des enjeux de développement
Son séjour polynésien a été marquant et aura laissé une empreinte décisive pour le reste de sa carrière scientifique : il l’a convaincu de l’importance des enjeux de développement dans les sociétés du Sud.

À Jakarta, JC Avarre présente les les méthodes de détection d'un virus pathogène de poissons. La formation a été suivie par 65 cadres de plus de 18 centres de recherche indonésiens, en charge du suivi sanitaire des élevages aquacoles dans tout le pays.
© Angela Lusiastuti
« C’était alors les débuts des méthodes d’analyses moléculaires à haut débit, et je me suis dit qu’il fallait les rendre accessibles pour les pays les moins bien lotis », explique-t-il. Il œuvrera désormais à mettre à leur disposition des technologies encore réservées aux laboratoires occidentaux comme la PCRpour Polymerase Chain Reaction, technique d’amplification de l’ADN en temps réel, les puces à ADNTechnique basée sur la capacité à s’hybrider de deux brins d’ADN de séquences complémentaires, offrant de multiples applications. et les séquençages de génomes.
En ce sens, il s’oriente vers un post-doctorat à l’IRD, au laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes (LSTM), à Montpellier). Les recherches portent sur la diversité des bactéries développant des nodules symbiotiques sur les légumineuses, ce qui est bien éloigné de son intérêt pour l’aquaculture. Mais pour lui c’est surtout l’opportunité de mettre au point des solutions rapides et peu onéreuses susceptibles de remplacer le séquençage systématique de l’ADN.
Il parvient ainsi à optimiser une biopuce à ADNMéthode permettant de cribler les différences génétiques à haut débit pour faire du génotypage rapide et à faible coût de deux espèces de bactéries, tout en mettant en évidence les limites de cette technique.
Féru de haute technologie
Rejoignant une entreprise de haute technologie, Genewave, il contribue ensuite à la mise au point d’un lecteur de biopuce à fluorescence en temps réel, qui simplifie encore l’analyse moléculaire.

Les techniques de diagnostic moléculaire simples et accessibles visent à détecter les pathogènes susceptibles de menacer l’aquaculture au Sud, comme dans les fermes piscicoles en Indonésie.
© IRD – Marc Legendre
Pour revenir vers l’aquaculture et appliquer ces innovations aux pays du Sud, il intègre l’IRD en 2007, en tant que chercheur cette fois. Il conduit un projet de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (ISEM) sur les voies de propagation des pathogènes dans les fermes aquacoles traditionnelles en Asie du Sud-Est. Féru d’innovation technologique, il continue de développer en parallèle de nouveaux outils (biopuces en temps réel, PCR en temps réel sur cellule unique…) en collaboration avec des entreprises spécialisées.
Jean-Christophe présente la technique innovante de discrimination de séquences d'ADN par dénaturation. Appliquée à la détection des mycobactéries, elle permet de diagnostiquer 19 espèces responsables de maladies chez de nombreuses espèces de poissons.
© DR
Spécialiste de la fusion de l’ADN
Depuis plusieurs années déjà, il s’intéresse à la fusion à haute résolution de l’ADN. Ce procédé vise à identifier des séquences d’ADN spécifiques à chaque organisme par dénaturation thermique (fusion). Chacun possède en effet un profil thermique singulier, comme une signature propre. Il veut s’en servir pour détecter et identifier les principales espèces de mycobactéries qui menacent les élevages de poissons dans de nombreux pays du Sud. L’outil mis au point permet de gagner beaucoup de temps par rapport aux méthodes d’analyse existantes.
Grâce à des aides à l’innovation, et en collaboration avec une collègue biostatisticienne, Christelle Reynesenseignante-chercheuse à l'Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier 1 , il va dès lors s’employer au développement de nouveaux algorithmes d’analyse des profils de fusion de l’ADN. Une étape qu’il réalise en partenariat avec IDVet, une entreprise montpelliéraine spécialisée dans les réactifs de diagnostic pour la détection des maladies infectieuses chez les animaux. « L’innovation, co-détenue par l’IRD et l’Université de Montpellier, repose sur la création d'une bibliothèque de profils de fusion, utilise de nouveaux descripteurs des courbes de fusion et offre une analyse entièrement automatisée, basée sur une méthode d’apprentissage profondAussi appelé deep learning. Méthode d’évolution des compétences de l’intelligence artificielle au gré des différentes situations rencontrées dans l’analyse des données. », précise-t-il. Elle ouvre la voie à du diagnostic multipathogène rapide, fiable et peu onéreux – par identification des pathogènes présents dans n’importe quel échantillon biologique analysé – dans le domaine de la santé animale, de l’agro-alimentaire et potentiellement de la santé humaine.
Grâce à de nouveaux soutiens financiers, un kit de diagnostic et un logiciel, visant des applications vétérinaires concrètes, sont en cours de mise sur le marché.