Mis à jour le 21.04.2023
Projet hors norme pensé pour contenir les effets du changement climatique et lutter contre la dégradation des terres et la pauvreté en zone sahélo-saharienne, la Grande muraille verte est bien plus qu’une simple initiative de reforestation en bordure du désert. Elle mobilise scientifiques, ingénieurs, services techniques des États, associations locales et organisations internationales pour préserver un environnement menacé et améliorer durablement la vie des populations rurales.
La désertification n’est pas une fatalité ! Et les pays qui bordent le sud du Sahara, particulièrement vulnérables au changement climatique, ont décidé d’agir contre ce phénomène. L’initiative vient de dirigeants africains, les anciens présidents sénégalais et nigérian Abdoulaye Wade et Olusegu Obasanjo, qui lancent en 2007 le projet de reboiser un cordon de 7 000 km de long et 15 km de large, de l’Atlantique à l’océan Indien.
Celui-ci est adopté par l’Union africaine, investi par une vingtaine de pays du continentAlgérie, Burkina Faso, Bénin, Cap-Vert, Djibouti, Égypte, Éthiopie, Gambie, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Somalie, Soudan, Tchad et Tunisie1 et mobilise de nombreuses organisations internationales, des institutions de recherches, des associations civiles et communautaires locales. Sa mise en œuvre est pilotée par une institution internationale, l’Agence panafricaine de la grande muraille verte, et par autant d’agences nationales qu’il y a de pays membres.
De la reforestation à l’intégration des populations rurales
« Initialement présentée comme un projet de reforestation visant à enrayer la dégradation des sols et des ressources hydriques, la Grande muraille verte a ensuite investi une dimension bien plus complexe et réaliste », indique Robin Duponnois, microbiologiste IRD, spécialiste des symbioses entre racines des arbres et champignons mycorhiziens. L’ambition de départ était de restaurer la densité du couvert ligneux, dans la zone où la pluviométrie le permet400 mm/m2/an. Dans le Sahara même, où à peu près rien ne pousse, elle est de 100 à 200 mm/m2/an.1, en plantant massivement des arbres. Leur développement permet à des graminées de s’installer dessous, attire de nouveaux pollinisateurs et favorise ainsi la restauration de la biodiversité et des sols. L’approche adoptée par la Grande muraille verte se démarque de projets comparables reposant sur la plantation d’espèces exotiques à croissance rapide, qui ont souvent été voués à l’échec : chacun des pays concernés a ainsi défini un ensemble d’espèces locales utiles au reboisement, en se fondant sur leurs capacités d’adaptation à l’environnement et leur utilité pour les populations du territoire concerné.
Car les ambitions ont depuis été élargies. Il ne s’agit plus seulement de reboiser les milieux, mais aussi de parvenir à une gestion durable des écosystèmes, des ressources édaphiquesQualités du sol comme milieu écologique et des ressources en eau, de développer les activités et les revenus des populations locales, d’améliorer leurs conditions sanitaires, de lutter contre l’extrême pauvreté et d’assurer la sécurité alimentaire …
Améliorer le bien-être écologique et humain
« Dans cette zone sensible où les populations vivent essentiellement d’agriculture et d’élevage, les enjeux environnementaux et sociaux sont multidimensionnels et interdépendants, explique Sougueh CheikSougueh Cheik a bénéficié d’une allocation de recherche pour une thèse au sud (ARTS), un programme de renforcement des capacités de recherche dans les pays du Sud financé par l’IRD.1, agro-pédologue au Centre d’études et de recherche de Djibouti. Agir efficacement sur l’un des aspects sans intégrer les autres est illusoire ! » Aussi les programmes d’actions visent à améliorer tout à la fois le bien-être écologique et le bien-être humain. Et ils prennent désormais la forme d’une mosaïque d’interventions intégrées, adaptées à chaque territoire et contexte social.
Ce qui fonctionne au Sénégal, dans tel terroir où se pratique une forme d’activité combinant exploitation végétale et animale par exemple, ne saurait être utilement transposé dans la Corne de l’Afrique, à l’autre bout de la Grande muraille verte, ni même dans la région voisine, au Mali ou en Mauritanie ! « Et pour que ça marche, les interventions doivent plus que jamais associer les communautés locales. Celles-ci doivent prendre part à la fois à la définition des projets les concernant, se les approprier, les mettre en œuvre et en bénéficier concrètement », estime le spécialiste des sols cultivés.
Dès le départ, la recherche scientifique a largement contribué au projet, en planchant notamment sur les essences locales les plus performantes en condition semi-aride, sur les techniques de reboisement adaptées aux enjeux, sur l’interaction avec le monde paysan. Dans ce nouvel élan, où il s’agit de fonctionner en synergie totale avec la réalité des situations locales, son approche pluridisciplinaire des problématiques conditionne la réussite de chaque intervention et, in fine, de la Grande muraille verte en entier.
Le projet majeur africain de la Grande Muraille Verte
Concepts et mise en œuvre
Sous la direction de Abdoulaye Dia, Robin Duponnois
IRD Éditions
Collection : Synthèses septembre 2010
La Grande Muraille Verte
Capitalisation des recherches et valorisation des savoirs locaux
Sous la direction de Abdoulaye Dia, Robin Duponnois
IRD Éditions
Collection : Synthèses septembre 2012