Mis à jour le 24.06.2020
Une nouvelle base de données génétique met en lumière le foisonnement des espèces dans les récifs coralliens des océans Indien et Pacifique. Elle s’inscrit dans un mouvement global d’identification des ressources marines dont l’objectif est d’en améliorer la connaissance et la gestion.
Mieux identifier les espèces de poissons pour optimiser la gestion des ressources et mieux comprendre leur écologie. Tels sont deux des enjeux du barcoding ADN, l’analyse de fragments ADN permettant de déterminer l’espèce à laquelle appartient un individu. A l’aide de cette approche, une équipe de scientifiques menée par l’IRD vient de produire un nouveau jeu de données de barcodes des poissons récifaux de Nouvelle-Calédonie, complétant une base de données commune aux océans Indien et Pacifique. Ils ont identifié 805 espèces sur trois sites différents : Ile de La Réunion et Madagascar, Nouvelle-Calédonie, Polynésie françaiseCette identification est l’objet d’un travail commun entre l’UMR ISEM ((IRD / CNRS / Université Montpellier 2) et l'UMR ENTROPIE1. « Le barcoding est un outil très utile car il permet d’identifier les poissons à n’importe quel stade de développement, explique le généticien Philippe Borsa. Nous avons ainsi pu mettre en lumière la diversité cryptique des espèces de cette région, jusqu’ici sous-estimée. Une espèce autrefois identifiée comme unique peut en fait regrouper plusieurs espèces aux caractéristiques différentes : le barcoding peut aider à les distinguer. »
Poissons semblables mais dissemblables

Le barcoding permet d'identifier les espèces à n'importe quel stade de développement : alevins, juvéniles et adultes
© IRD/B. Preuss
Ainsi, cette analyse a permis de mettre en lumière un foisonnement d’espèces dans ces écosystèmes coralliens. 40 % d’entre elles, distribuées sur les deux océans, s’avèrent être des espèces cryptiques : semblables au niveau morphologique, elles sont néanmoins génétiquement distinctes. Ces poissons récifaux possèdent des généalogies séparées du fait de leur isolement géographique dans chacun des océans. Une séparation qui aurait commencé dès le Miocène (-23 à -5,3 millions d’années) lorsque l’archipel Indo-Australien s’est formé. Elle s’est renforcée par la suite par la fragmentation progressive des récifs coralliens de l’Océan Indien : ces multiples barrières ont entravé les liens entre les populations de poissons de l’ouest et de l’est de l’océan. Dans d’autres régions du monde telles que les Caraïbes et à une échelle plus petite, les espèces cryptiques sont moins nombreuses du fait d’une connexion plus importante entre habitats récifaux.
« Cet apport pourrait améliorer la taxonomie des poissons, estime le chercheur. Cette précision est essentielle pour gérer correctement les ressources et établir des réglementations efficaces en termes de pêche. Par exemple, des quotas peuvent être imposés pour éviter la surexploitation de certaines espèces. Mais si les statistiques négligent la présence dans les captures d’une autre espèce, plus rare, faussement intégrée sous la même dénomination, l’extinction de celle-ci du fait de la surpêche risque de passer inaperçue. »
Identifier avec de l’eau de mer
Le barcoding constitue ainsi un nouvel outil d’aide à la décision pour les gestionnaires des ressources marines. Ce dispositif s’inscrit également dans un mouvement global d’identification des espèces grâce aux marqueurs génétiques. En multipliant les bases de données de barcodes, les chercheurs peuvent les comparer entre elles à plusieurs échelles géographiques pertinentes. « Aujourd’hui, avec l’ADN environnemental, il suffit d’un banal échantillon d’eau de mer pour distinguer les différentes espèces de poissons présentes dans les environs, souligne Philippe Borsa. Les séquences ADN présentes dans l’eau sont extraites puis comparées avec les bases de données existantes. Il est donc essentiel de poursuivre ce travail de barcoding pour améliorer les connaissances scientifiques sur les poissons. »

© FRB
La campagne « La science pour un monde durable » a pour objectif de mettre en avant la recherche française sur la biodiversité en valorisant ses résultats, identifiés comme étant des exemples de solutions, de leviers d’actions en lien avec les recommandations proposées par l’Ipbes afin d’atteindre les objectifs du développement durable (ODD) des Nations Unies et de nourrir les réflexions en vue de la définition du cadre d’action post 2020 de la CDB.