Au début du projet, les chercheurs ont prélevé des feuilles sur de jeunes arbres de café marron pour analyser leur ADN. Chacun a ainsi été numéroté et photographié pour enregistrer le stade de développement.

© IRD/Philippe Lashermes

Le café marron éclaire le futur de La Réunion

Mis à jour le 18.05.2020

Le Coffea mauritiana, un caféier, ne vit qu’au cœur de la forêt tropicale humide de La Réunion. Leurs histoires sont donc intimement liées. Edith Garot, doctorante à l'université de Montpellier, et Philippe Lashermes de l’IRD, à Montpellier, ont étudié comment le caféier a réagi aux changements climatiques passés. L’objectif : anticiper l’impact de ceux à venir, sur cette plante et par extension sur la forêt.

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La Réunion présente une incroyable biodiversité avec 28 % de plantes endémiques, c’est-à-dire présentes uniquement sur cette île de l’océan Indien ; une végétation nichée notamment dans la forêt tropicale humide. D’où l’importance de déterminer si cette dernière pourrait être impactée par les changements climatiques futurs. Pour anticiper cet avenir, l’équipe de Philippe Lashermes de l’IRD, à Montpellier cherche à établir comment la forêt a déjà réagi à des aléas climatiques passés. Elle a pour cela retracé l’histoire de Coffea mauritiana (1), le café marron, « un caféier largement distribué dans cette forêt qui peut donc servir de marqueur de son évolution, » précise le chercheur.

Les données sur le passé…

Plusieurs approches ont été utilisées pour mener à bien cette enquête historique. D’une part, « nous avons déterminé la diversité génétique des populations actuelles de Coffea mauritiana, et leur répartition géographique sur l’île, » explique-t-il. Ces données montrent que la diversité est plus importante à l’est qu’à l’ouest. Or, « une diversité génétique élevée signifie que l’espèce s’est maintenue dans le temps, alors que si elle est faible, cela peut indiquer que l’espèce s’est implantée récemment, » complète Philippe Lashermes. Autrement dit, certaines populations de caféiers sont plus anciennes que d’autres. « Cela nous a permis d’établir une carte de la zone où le caféier s’est maintenu il y a 21 000 ans, lors de la dernière grande glaciation qui a fait diminuer de manière très importante leur nombre global. Par extension, nous en avons déduit qu’à l’ouest de l’île, la forêt tropicale humide avait alors été très réduite, voire qu’elle avait quasi disparue, » souligne le chercheur.

D’autre part, « nous avons  quadrillé l’île en précisant pour chaque zone l’abondance actuelle du caféier : très présent, présent ou pas présent. Puis, cette distribution a été confrontée aux données climatiques des trente dernières années. L’objectif : établir les conditions environnementales à sa survie, » poursuit-il. De fait, l’espèce est peu implantée dans les basses terres où il pleut peu et où la température est élevée, de même qu’en altitude où il fait trop froid. En revanche, il est au mieux de sa forme à une altitude faible ou intermédiaire. Bilan : des températures extrêmes et de faibles précipitations sont fatales au caféier. « Grâce à cette corrélation entre abondance et climat, nous avons pu estimer que lors de la dernière glaciation, La Réunion affichait une diminution de 50 % de la pluviométrie et de 1°C de la température par rapport aux valeurs moyennes actuelles, ce qui est une information entièrement nouvelle, » souligne-t-il.

© IRD/Guillaume Villegier

Fruits immatures du café marron

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…éclairent l’avenir

Maintenant que les “réactions” de la forêt aux changements climatiques passés sont connues, l’équipe va pouvoir rechercher les impacts potentiels de ceux à venir. C’est pourquoi, elle vient de nouer un partenariat avec Météo France – La Réunion. « Celle-ci va établir des scénarios des changements futurs à l’échelle la Réunion. Nous simulerons alors leur impact sur les populations de Coffea mauritiana. De là, nous devrions pouvoir en déduire ceux sur la forêt tropicale, et tenter de les anticiper pour protéger les nombreuses espèces qu’elle renferme dont certaines, comme le café marron mais aussi l’ambaville ou encore le bois d’Osto, sont très importantes pour la pharmacopée,  » conclut Philippe Lashermes.


Note :
1. E. Garot et al. Plant population dynamics on oceanic islands during the Late Quaternary climate changes: genetic evidence from a tree species (Coffea mauritiana) in Reunion Island, New Phytologist Trust, 10 juillet 2019, doi: 10.1111/nph.16052


Contact : Philippe Lashermes, UMR DIADE