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Les barges d’orpaillage utilisées dans le bassin du Maroni entrainent la destruction du lit du fleuve : des tuyaux aspirent le sol et l'eau et rejettent sables, graviers et matières en suspension le long des cours d’eau.

© Marjorie Gallay

Le fleuve Maroni menacé par les mines d’or

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Mis à jour le 24.06.2020

Comment les changements environnementaux survenus ces dernières décennies en Guyane, et notamment l’extraction d’or dans l’intérieur des terres, ont-ils affecté le fleuve guyanais Maroni ? Une équipe comprenant des chercheurs de l’IRD a analysé l’évolution du flux sédimentaire dans ce cours d’eau depuis l’an 2000. Leur constat est alarmant.

La concentration de particules de terre, ou sédiments, en suspension dans le Maroni a augmenté de façon spectaculaire depuis une décennie. Cela, à cause de l’activité minière aurifère accrue dans la région drainée par le fleuve et ses affluents. Voilà ce que révèle une étude 1 menée par Marjorie Gallay, ex-doctorante au Centre IRD de Cayenne, et Jean-Michel Martinez, directeur de recherche au laboratoire Géosciences environnement Toulouse, qui a encadré la jeune chercheuse lors de sa thèse. « Nos résultats appellent des mesures urgentes pour préserver le Maroni », alerte Marjorie Gallay.

Frontière naturelle entre le Suriname et la Guyane, le Maroni serpente sur 612 kilomètres au milieu de l’une des plus grandes forêts tropicales du monde. Crucial pour l’exceptionnelle biodiversité de cette région, ce cours d’eau permet aussi d’alimenter et de transporter les populations riveraines. Problème : il est en aval des mines d’or qui se sont multipliées dans l’intérieur des terres depuis les années 1990. Or l’extraction d’or induit une déforestation ainsi qu’une destruction des sols des versants et du lit du fleuve, le tout accentuant alors les mécanismes d’érosion. Résultat, l’apport de sédiments dans le fleuve, par les eaux de pluies, augmente. 

Un impact sans précédent…

Les chercheurs ont analysé plusieurs centaines de mesures de concentration en sédiments dispersés dans le Maroni, recueillies entre 2001 et 2015. Certaines ont été récoltées par l’observatoire HyBAm 2 de l’IRD– qui « mesure les paramètres physico-chimiques du Maroni tous les mois depuis 2004  », précise Jean-Michel Martinez ; d’autres, par Marjorie Gallay, « depuis une pirogue, et au niveau de 81 points sur le Maroni » ; et d’autres enfin, par les capteurs MODIS 3 des instruments de télédétection à bord des satellites Terra et Aqua de la NASA.

Au final, il est apparu qu’entre 2001 et 2015 la concentration des sédiments en suspension dans le Maroni a augmenté de… 239%, passant de 10 mg/L en moyenne en 2001 à près de 36 mg/L en 2015 !« Nous avons travaillé sur plusieurs fleuves importants, comme le Mékong en Asie ou le Niger en Afrique ; mais jamais nous n’avions observé un changement si important … », n’en revient toujours pas Jean-Michel Martinez.

… qui pourrait poser plusieurs problèmes

Vue aérienne des impacts de la déforestation minière sur les sols et le lit des cours d'eau dans le bassin versant du Maroni (sept. 2011)

© SPOT Image

Bloc de texte

Les chercheurs ont ensuite étudié plusieurs facteurs susceptibles d’expliquer leur observation : l’évolution des précipitations dans la région, les changements d’occupation des sols liés à l’agriculture et à l’urbanisation, et l’avancée de la déforestation due à l’exploitation minière. Résultat, seule cette dernière a varié significativement : alors qu’en 2000 sa surface cumulée n’était que de 4 821 hectares, en 2016 elle a quintuplé pour atteindre 24 463 ha. D’où la conclusion que l’augmentation des sédiments en suspension dans le Maroni est principalement liée à l'activité minière.

Or, le surplus de sédiments dans le Maroni diminue la transparence des eaux et pourrait, ainsi nuire à la survie des espèces peuplant le fleuve. Par ailleurs, il pourrait limiter la navigabilité du Maroni. Enfin, les sédiments apportent avec eux des éléments traces notamment du mercure, susceptibles de polluer le fleuve, et de contaminer les populations sur ses berges. Aussi est-il crucial de continuer à évaluer l’évolution de la teneur en sédiments dans le Maroni et ses possibles conséquences. Une mission qui nécessitera encore plusieurs années.


Notes :
1. Marjorie Gallay, Jean-Michel Martinez, Sebastien Allo, Abrahan Mora, Gérard Cochonneau, Antoine Gardel, Jean-Claude Doudou, Max Sarrazin, Franck Chow-Toun, Alain Laraque, Land Degradation & Development , 6 septembre 2018 ; Impact of land degradation from mining activities on the sediment fluxes in two large rivers of French Guiana

2. Pour «  HYdrologie et Biogéochimie du Bassin Amazonien »

3. Pour« Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer  »


Contact : jean-michel.martinez@ird.fr