Mis à jour le 13.10.2022
Simple et précis, cet équipement scientifique permet de reproduire les conditions de culture au champ, pour comprendre l’importance de l’eau à chaque étape du cycle des plantes cultivées. Des informations capitales pour adapter les modes de culture dans le contexte de changement climatique.
Pas si facile de reconstituer le rôle exact de l’eau dans la croissance des plantes cultivées… Quelle partie contribue effectivement à leur développement, quelle autre est relâchée dans l’atmosphère par l’évapotranspirationprocessus biophysique de transfert d'une quantité d'eau vers l'atmosphère, par l'évaporation au niveau du sol et par la transpiration des plantes ? Et, finalement, quelle en est la quantité optimale pour chaque espèce, chaque variété, dans chaque condition de culture ? La mise au point d’un dispositif spécifique à la mesure de l’eau utilisée par les plantes, appelé lysimètre ou évapotranspiromètre, a permis de s’en faire une idée très précise.
« Auparavant, nous procédions à des observations destructrices, explique Vincent Vadez, agronome à DIADE, qui a mis au point cet instrument de recherche maintenant utilisé dans de nombreux centres d’étude d’agronomie tropicale. Nous prélevions des plants aux différents stades de leur développement, nettoyions les racines de leur terre, les scannions et intégrions les données dans des applications dédiées. Mais la méthode était très imprécise, du fait des manipulations successives, et les résultats empreints d’une grande variabilité ».
Pesée régulière
Connaître le niveau de stress hydrique que subissent des plantes est essentiel pour adapter les cultures et assurer un rendement suffisant. Pour étudier ce paramètre au centre de bien des recherches menées à l’IRD sur les plantes tropicales cultivées, il est apparu beaucoup plus simple – et moins destructeur – de peser les plants et leur terre. La perte pondérale entre chaque pesée correspond à la déperdition d’eau du système plante-sol. « Nous avons reproduit le milieu de culture – qualité des sols, densité des plants – dans des grands tubes de PVC, indique le spécialiste. Nous les pesons régulièrement, à tous les stades de croissance des plantes, et mesurons ainsi la quantité d’eau perdue ». Les scientifiques savent en effet combien d’eau reçoivent les plantes, soit qu’ils les arrosent, soit qu’ils disposent d’un pluviomètre à côté du lysimètre.
Tubes, portique, peson
Concrètement, le dispositif est composé de grandes fosses bétonnées, en plein air, où sont placés les tubes contenant les plants. Les différentes tailles de tubes permettent de reproduire les conditions de densité de semis des cultures pratiquées dans les champs. Remplis de terre, les tubes reçoivent les plants de l’espèce ou la variété étudiée. Un portique métallique équipé d’un palan outil de traction permettant de soulever de fortes chargeset d’un pesoninstrument de mesure du poids fonctionnant par extension, qui peut être déplacé au-dessus de la fosse, permet de peser chaque tube aussi souvent que nécessaire.
« Et si l’on veut connaitre la seule transpiration des plantes, on dispose des billes et un opercule de plastique sur la surface de terre en contact avec l’air, pour éliminer l’évaporation au niveau du sol », précise le scientifique.
Arachide, mil ou sorgho
Des tubes de 1,20 m de long pour 20 cm de diamètre permettent de reconstituer assez fidèlement les conditions de cultures semées à une densité de 20 plants au mètre carré, comme le pois chiche, l’arachide et le blé. Ceux de 2 m de long pour 25 cm de diamètre sont adaptés pour l’étude de culture d’une densité de 10 plants au mètre carré, comme le maïs, le mil ou le sorgho.
Connaitre la consommation en eau d’espèces cultivées permet d’estimer leurs besoins en pluie, en irrigation, en arrosage pour aller au terme de leur cycle productif. Grâce au lysimètre, les scientifiques ont découvert que l’accès à l’eau est déterminant après la floraison, au moment du remplissage des grainsde la fécondation de l’ovule jusqu’à la récolte, pour toutes les espèces. Un déficit à ce moment du cycle obère énormément le rendement productif de la culture. « Plus que la quantité totale d’eau, c’est sa disponibilité dans la bonne temporalité qui est cruciale », prévient-il.
A l’heure où le changement climatique bouleverse les ressources en eau, le lysimètre pourrait être particulièrement précieux pour adapter les cultures aux nouvelles contraintes hydriques.