Mis à jour le 18.01.2023
De récentes recherches révèlent les spécificités hydrologiques, hydrochimiques et le rôle socio-économique de systèmes lacustres tchadiens entourant le Lac Tchad.
Il n’y a pas qu’un lac au Tchad ! Eclipsés par l’emblématique Lac Tchad lui-même, plusieurs systèmes lacustres périphériques demeurent terra incognita de la science. Les résultats d’un projet de recherche consacré à trois d’entre eux lèvent le voile sur leur fonctionnement, leur diversité et leur importance pour les populations. "Dans ce pays pour partie aride, les activités humaines se concentrent autour des ressources en eau, explique la paléoclimatologue Florence Sylvestre, à l’occasion du récent séminaire de restitution1 du projet "Grands écosystèmes lacustres tchadiens"2. Acquérir des connaissances sur le sujet est capital dans le contexte actuel de la région, marqué par le changement climatique et par un fort accroissement de la pression anthropique lié à une démographie très soutenue". Financées par le MAE3 et mis en œuvre à N’Djamena par les services diplomatiques et par le Centre national de recherche et du développement, ces recherches portaient sur les lacs d’Ounianga, au nord du pays, proche de la frontière tchado-libyenne, sur le lac Fitri, situé à l’est du pays en direction du Soudan, et sur le lac Iro, au Sud.
"Nous avons mis en évidence trois systèmes lacustres bien différents les uns des autres", révèle l’hydrogéochimiste Pierre Deschamps. Le lac Fitri est une réplique en miniature du Lac Tchad et le lac Iro se comporte comme sa cuvette sud. Ils possèdent tous deux des eaux douces. Car le lac Fitri, comme son illustre grand frère, régule sa chimie par une décharge permanente vers l’aquifère limitant la part de l’évaporation. Le lac Iro, pour sa part, est tantôt alimenté par la rivière voisine, tantôt se déverse dans celle-ci. En revanche, les lacs d’Ounianga –il s’agit d’un système comptant une quinzaine de lacs- sont très salés. Situés en zone saharienne, ils ne reçoivent aucune précipitation et sont uniquement rechargés par la nappe des grès nubiens. Celle-ci contient des eaux fossiles, accumulées il y a 5000 à 10000 ans alors une période bien plus humide sur le nord du continent africain.
Naturellement, la qualité des eaux des lacs Fitri et Iro est précieuse pour la population. Leurs rives sont très peuplées et exploitées de longue date. Les recherches ont permis d’éclairer les relations entre habitants et milieu, mais aussi les mécanismes d’accès aux ressources terre et eau, gérés à Fitri par un pouvoir traditionnel ancien et stable.
"L’originalité de l’approche retenue est de favoriser la multidisciplinarité, la formation à la recherche et le renforcement des capacités scientifiques locales", indique le chercheur. De fait, les travaux ont associé des disciplines variées, touchant tout à la fois aux aspects physiques, écologiques et humains de la question, et des chercheurs du Nord et du Sud. De plus, les étudiants de trois masters4 ont été emmenés dans l’aventure, et leurs dizaines de travaux de mémoire alimentent les connaissances sur ces lacs. Enfin, le partage de l’encadrement scientifique et administratif avec les acteurs tchadiens de l’enseignement supérieur et de la recherche a permis de potentialiser leurs savoir-faire dans la gestion de projets de grande ampleur, mobilisant des dizaines de scientifiques.
"L’étape suivante, c’est la mise en place d’un observatoire Homme-milieux, pour anticiper et accompagner les changements à l’œuvre, mais aussi pour prolonger les investigations pluridisciplinaires avec nos collègues géographes et anthropologues initiées avec ce projet", conclut Florence Sylvestre. Les résultats de ces travaux ont reçu un accueil très favorable de la part des autorités locales traditionnelles.
Pour en savoir plus
Ces recherches sont illustrées dans un film documentaire sur le lac Fitri. Pour le consulter, cliquez ici.
Notes
1. N’Djaména, 25-27 avril 2017.
3. Ministère français des Affaires Étrangères, à travers un Fonds de solidarité prioritaire.
4. Masters Hydro-SIG, Anthropologie et Géographie de l’Université
Contacts : Pierre Deschamps / Florence Sylvestre