Les écologues à l’IRD Anne Lorrain et Fanny Houlbrèque déploient des sondes autonomes pour mesurer des paramètres environnementaux au large de l'ilot Surprise, dans le Pacifique, afin de comprendre l'influence du guano sur les coraux.

© Iguane Cruise

LEMAR : révéler les richesses des mers et des océans

Mis à jour le 10.10.2022

Le laboratoire des sciences de l’environnement marin (LEMAR) est installé à Brest, mais il mène des recherches sur toutes les mers du monde. Regroupant des écologistes, des biologistes, des bio-géochimistes, des chimistes, des physiciens et des juristes de l’environnement marin, il conduit des travaux sur des thématiques tant de recherche fondamentales que porteuses d’enjeux sociétaux. Il contribue ainsi à la réalisation des Objectifs du développement durable (ODD), à la mise au point d’innovations en lien avec le monde économique, à l’appui aux politiques publiques en matière de préservation de l’environnement et à la formation dans le domaine des sciences de la mer et du littoral.

 

Jean-Marie Munaron, ingénieur d’études en technique d’analyse chimique à l’IRD, prépare un échantillon afin de mesurer sa teneur en carbone et en azote.

© IRD - Carole Filiu Mouhali

Isotopes stables et chaînes alimentaires

L’analyse des isotopesLes isotopes sont les différents types d’atomes d’un même élément, tels le carbone 12 (noté 12C) et le carbone 14 (14C). Ils se distinguent par leur nombre de neutrons et leurs propriétés physiques. stables de certains éléments chimiques – le carbone et l’azote notamment – dans les organismes marins permet de suivre les relations alimentaires et la structure trophique au sein des écosystèmes. Elle révèle leur éventuelle évolution au cours du temps en lien avec des changements liés à la biodiversité ou l'environnement. Ces connaissances sont très précieuses pour gérer durablement les ressources marines. Elles montrent par exemple que dans les milieux insulaires isolés du Pacifique, les coraux bénéficient de l’azote issu du guano des oiseaux marins. Et cela suggère que la préservation des seconds pourrait profiter à la santé des premiers…

 

 

Les isotopes pour révéler les chaînes alimentaires - Anne Lorrain, écologue spécialisée en écologie trophique


Au laboratoire, les échantillons d’organismes marins, reçus lyophilisés, sont broyés, conditionnés dans de l’étain et précisément pesés avant d’être analysés par spectrométrie de masse en phase gazeuse pour isoler les isotopes du carbone et de l’azote.

 

 

Dépister le carbone et l'azote des organismes marins - Jean-Marie Munaron, ingénieur d'études en techniques d'analyse chimique

 

 

Mesure de la taille d'anchois (Engaulis rigens) pêchés lors d'une campagne d'évaluation acoustique des stocks de poissons pélagiques réalisées de façon régulière par l'Institut de la mer du Pérou (IMARPE) au large du Pérou.

© IRD - Arnaud Bertrand

Phytoplancton, sardines et raréfaction des oméga-3

Nos enfants auront-ils encore assez d’oméga-3 à longue chaine pour grandir en bonne santé ? La question est posée : le phytoplancton, qui en fournit la majeure partie à la chaine alimentaire des petits poissons pélagiques pourrait produire moins de ces acides gras avec le changement des conditions océaniques (réchauffement, acidification, pollution…). Et ces sardines, maquereaux et anchois, qui sont la première source d’oméga-3 à longue chaine pour les populations humaines – en consommation directe ou indirecte via les farines pour l’élevage – pourraient à leur tour se raréfier. Le projet OMEGA Financé par ISblue (Interdisciplinary graduate School for the Blue planet), le projet OMEGA regroupe une soixantaine de personnes, réparties entre quatre laboratoires ISblue (LEMAR, AMURE, Ifremer STH, LOPS) quatre partenaires extérieurs français (LP3C, Audencia Business School, LOCEAN, UMMISCO) et huit partenaires étrangers impliquant pour chaque chantier une université ou institut de formation et différents instituts des pêches nationaux (UCAD et CRODT au Sénégal, UCT et DAFF en Afrique du Sud, UPCH et IMARPE au Pérou, CIBNOR, CICIMAR et INAPESCA au Mexique)] 1  explore donc l’impact des changements de l’environnement et de la nourriture sur la dynamique des populations de petits poissons pélagiques en France mais également au Pérou, Mexique, Afrique du Sud et Sénégal, des zones de remontées d’eau, en anglais upwelling, caractérisées par une productivité biologique intense.

 

Oméga-3 : du phytoplancton au biberon - Laure Pecquerie, écologue marine, modélisatrice


Les scientifiques cherchent à quantifier les oméga-3 à longue chaine contenus dans les poissons. Pour cela, les lipides sont extraits des échantillons de poissons puis plusieurs étapes de transformation sont nécessaires pour les rendre détectables et mesurables par les instruments. La chromatographie permet ensuite de séparer, identifier et quantifier les acides gras – dont les oméga-3 – présents dans les tissus des petits poissons pélagiques. Chez ces poissons, l’abondance des oméga-3 connait de fortes variations entre espèces et d’une année sur l’autre.

 

À la recherche des lipides - Fany Sardenne, écologue, spécialiste des poissons et crustacés

    L’arche, ramassé par les femmes sénégalaises, connaît depuis des années des évolutions morphologiques qui interpellent les populations et les scientifiques.

    © UBO – Sébastien Hervé

    L’arche, un coquillage témoin du temps

    Les grandes variations environnementales et les contraintes anthropiques associées à la pêche et à la pollution ne sont pas sans conséquences sur les espèces marines exploitées artisanalement. L’arche, un coquillage ramassé par les femmes depuis des millénaires dans le delta du Sine Saloum au Sénégal, a ainsi connu des changements en réponse aux événements naturels passés. Des traces archéologiques de son utilisation permettent même de documenter à la fois l’histoire des habitants de la région et celle de son climat. Mais depuis quelques décennies, le bivalve est devenu beaucoup plus petit. Des observations in situ et des expérimentations sur son écophysiologie tentent de comprendre ce changement. Des travaux de modélisation s’attachent à prévoir l’évolution de cette ressource importante pour les communautés locales à l’avenir.

     

    À la découverte des secrets de l’arche - Yoann Thomas, écologue marin, spécialiste des ressources benthiques


    L'âge, la période et les évènements marquants de la vie des arches sont mesurés par l’observation et le comptage de leurs stries de croissance au microscope. Cette discipline, la sclérochronologie, permet également de retracer l’histoire d’organismes marins vertébrés, comme les poissons, à partir de leurs otolithesPièces calcifiées présentes dans l’oreille interne des vertébrés..

     

    Retracer l'histoire des organismes marins - Eric Dabas, spécialiste en sclérochronologie

     

     

    Les scientifiques réalisent de nombreuses campagnes océanographiques pour récolter des éponges et les analyser.

    © Canal IRD / Jean-Michel Boré

    Éponges, substances bioactives et médicaments de demain

    Être une éponge n’est sûrement pas une sinécure : impossible de bouger pour échapper aux importuns ! Mais cette caractéristique confère aux spongiaires une grande valeur comme source potentielle de substances bioactives qui pourraient être utilisées pour traiter des maladies : faute de pouvoir se déplacer, certains de ces organismes filtreurs produisent en effet des molécules efficaces pour se prémunir contre des prédateurs, combattre les pathogènes ou se protéger des rayonnements UV… Pour valoriser ces composés, les chimistes des substances naturelles marines recensent les espèces, observent leur comportement in situ, extraient les molécules et les testent sur différentes cibles thérapeutiques.

     

    Les éponges, les médicaments de demain ? - Sylvain Petek, chimiste des substances naturelles marines

     

     

    Les sondeurs acoustiques produisent des échogrammes qui permettent de mesurer l’état des populations et leur distribution dans l’océan.

    © IRD – Gildas Roudaut

    Échographie de la colonne d’eau

    Il n’y a pas que le coup de filet pour étudier la faune marine, son abondance et pour caractériser la répartition des organismes dans le milieu océanique. Les spécialistes d’acoustique active utilisent des ondes, envoyées en permanence par les sondeurs de navires durant les campagnes océanographiques, et dont l’écho émis à la rencontre de poisson, plancton ou bulles, est analysé. Ces données permettent de connaitre l’état des populations et leur distribution dans la colonne d’eau. Couplées à l’enregistrement des paramètres physiques du milieu, elles fournissent des informations précieuses sur le fonctionnement des écosystèmes marins.

     

     

    Des ondes à l'écoute des océans - Jérémie Habasque, spécialiste en acoustique active