15 165 stations vidéos ont été déployées autour de la planète pour une évaluation globale des populations de requins de récif comme ici aux Bahamas.

© Andy Mann

Les requins de récif brillent par leur absence

Mis à jour le 27.07.2020

Les activités humaines ont un impact global sur les requins de récif. La création de sanctuaires et d'aires marines protégées de très grande taille font partie des mesures susceptibles de restaurer les populations de ces prédateurs essentiels à l'équilibre des écosystèmes côtiers des zones tropicales.

Gris, à pointe noire ou blanche, nourrice ou encore citron, les espèces de requins des récifs coralliens sont fortement menacées par les activités humaines. Ils ont même disparu de certaines régions du monde. Ce triste état des lieux provient d’une étude publiée dans la prestigieuse revue Nature par les scientifiques du projet Global FinPrintLe programme Global FinPrint réunit des chercheurs et des collaborateurs du monde entier pour étudier les requins, les raies et d'autres formes de vie marine sur les récifs coralliens à l'aide de stations vidéos sous-marines appâtées.1 porté par l'Université Internationale de Floride et auquel l’IRD a participé. 

Déploiement d’une caméra appâtée au Bahamas. Les appâts sont à l’intérieur d’une cage grillagée maintenue à 1,50 mètre de la caméra.

© Gina Clementi

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Pour évaluer l'abondance de ces requins, 15 165 stations vidéos sous-marines appâtées ont été déployées dans 371 récifs de 58 territoires du Pacifique, de l'océan Indien et de l'Atlantique. Et le constat est accablant : « 63 % des vidéos n'ont enregistré aucun requin, et ceux-ci sont absents dans 19 % des récifs étudiés , déplore Laurent Vigliola, biologiste marin basé au centre IRD de Nouméa et co-auteur de l’étude. 

L’impact des activités humaines

Et ce sont bien les humains qui ont un effet majeur sur l’abondance des requins. Ces squales sont en effet peu ou pas observés dans les récifs proches des côtes densément peuplées. « Plus il y a d'habitants, moins on observe de requins », résume amèrement Laurent Vigliola. Cet impact négatif sur les populations de requins -, qui peut être dû à la pêche, qu’elle cible les requins, leur nourriture, ou qu’elle les attrape involontairement en prise accessoire, à la pollution marine ou encore au transport maritime - peut se faire sentir à des dizaines de kilomètres des centres urbains.

Un requin gris enregistré par une caméra appâtée au large de la grande barrière de corail en Australie.

© Global FinPrint

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« Dans le cadre du projet APEXLe projet APEX animé par une équipe internationale de biologistes marins a pour objectif de mieux comprendre l’écologie des requins pour tenter d’enrayer leur déclin.1 de l’IRD, nous avions déjà observé en Nouvelle-Calédonie une différence d’abondance de requins de 80 % entre les récifs isolés du Parc naturel de la mer de Corail et ceux situés près des villes côtières, rappelle Laurent Vigliola. L’étude issue de Global FinPrint est la première à confirmer ce phénomène à l’échelle de la planète. » Elle atteste aussi que les populations de requins sont très affectées par certaines techniques de pêche comme celle employant des filets maillants ou la pêche à la palangre qui utilise de longues lignes couvertes de milliers d'hameçons. En revanche, la pêche à la ligne à main est associée à des effets positifs. « Il est possible de pêcher avec cette technique sans affecter directement les requins », constate le biologiste.

Des outils pour gérer les espaces maritimes

Cette étude a par ailleurs modélisé l’impact de mesures de protection sur les populations de requins. À l'échelle globale, les plus efficaces sont la création de sanctuaire à requins où toute capture et commercialisation des squales est interdite, et d'aires marines protégées (AMP) de très grande taille (plus de 20 000 km2) où les requins mais aussi leur nourriture et leur habitat sont protégés. 

L’étude a permis de former de nombreuses équipes aux techniques d’étude des requins, ici au Kenya avec une phase d’apprentissage sur la plage.

© Wildlife Conservation Society

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Mais « de telles actions, notamment les très grandes AMP, sont parfois difficiles à accepter pour les populations locales qui pêchent pour des raisons culturelles, alimentaires ou économiques », nuance Laurent Vigliola. Dans une moindre mesure, limiter les prises et bannir les techniques de pêche destructives comme la palangre à ligne longue et les filets maillants sont aussi des actions qui impactent positivement les populations de requins. Pour autant, dans certaines régions, des mesures supplémentaires de protection n'auraient qu’un effet faible car les populations de requins sont déjà saines à l’instar de la Polynésie française, ou, au contraire, complètement anéanties comme au Qatar, au Sri Lanka ou à Guam, dans la mer des Philippines, par exemple. « Certains territoires ont toutefois un fort potentiel de rétablissement », se réjouit Laurent Vigliola. C’est notamment le cas de Madagascar et de Mayotte, de l'Indonésie ou encore des Barbades. « Grâce à ces travaux, les gestionnaires des espaces maritimes disposent d’un arsenal de solutions pour tenter de concilier développement économique et protection de la biodiversité », estime le biologiste. Il convient donc aux décideurs d’en faire bon usage. 

    Des requins et des hommes

    Tout public, format 26,5 x 22,5 cm, 288 pages, 265 illustrations, français IRD Éditions/Solaris, 2018

    © P-A Pantz et IRD/S.Andréfouët

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    OUVRAGE

    NOUVELLE-CALÉDONIE - Archipel de corail

    Sous la direction de Claude Payri

    IRD Editions / Solaris - collection Beaux-livres

    parution 15 août 2018

    disponible en papier (format 255 x 225, 288 pages, 1607 g.), ePub (23,01 Mo) et PDF (88,53 Mo)