Un cocotier aux palmes hérissées par le vent d'un cyclone est entouré de flots furieux

Le Pacifique Sud est le théâtre d'une forte activité cyclonique.

© IRD - Bruno Marty

Moins de cyclones à venir dans le Pacifique Sud-Ouest

Mis à jour le 08.04.2020

En corrigeant les biais des modèles climatiques globaux et en utilisant une échelle d’analyse régionale, les scientifiques de plusieurs unités de l’IRD  sont parvenus à améliorer la fiabilité des prévisions sur l’évolution de l’activité cyclonique dans le Pacifique Sud-Ouest.

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles, même à envisager les scénarios climatiques les plus pessimistes… Ainsi, les travaux de spécialistes des interactions entre océan et atmosphère, se fondant sur les projections les moins encourageantes en matière de contrôle des émissions de gaz à effets de serre, prédisent une baisse significative du nombre de cyclones dans l’océan Pacifique Sud-Ouest à l’horizon de la fin du siècle. « Nous avons corrigé les modèles de climat existants, pour affiner les connaissances et rendre plus fiables les prévisions de l’évolution de l’activité cyclonique dans cette région où elles étaient encore assez imprécises », explique le climatologue Cyril Dutheil, dont c’était le sujet de thèse, à l’IRD, dans l’unité LOCEAN. Ces données sont très précieuses pour les sociétés océaniennes, dans le cadre du développement de plans d’adaptations au changement climatique. 

Plantation de cocotiers dévastée par un cyclone et l’inondation associée, à Lungharegi sur les îles Torrès au Vanuatu.

© IRD - Valérie Ballu

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Hot-spot cyclonique

L’océan Pacifique Sud-Ouest est le théâtre d'une forte activité cyclonique, dont les événements extrêmes – comme le cyclone Pam en mars 2015 au Vanuatu - entrainent des impacts souvent dramatiques pour les communautés insulaires. L’adaptation de ces sociétés au changement global passe notamment par la connaissance des tendances de l’activité cyclonique en réponse au changement climatique. C’est, pour elles, une condition nécessaire à l’arbitrage de futurs choix de vie, de politiques publiques et sociales, de priorités en matière d’investissement et d’infrastructures…
Pour anticiper l’évolution du climat à venir, les scientifiques travaillaient jusqu’ici avec les modèles de climat globaux du GIEC. Mais ces outils numériques, simulant les interactions entre l’océan et l’atmosphère, ne sont pas capables de simuler les cyclones de manière réaliste et présentent des biais importants sur le Pacifique sud, dont la communauté scientifique a parfaitement conscience. « Quand on fait fonctionner ces modèles sur la période historique – c’est-à-dire des années 1980 à nos jours - période pour laquelle nous disposons d’observations in situ et satellitaires, nous nous apercevons qu’ils ne reflètent pas fidèlement la situation réelle », indique Cyril Dutheil. Comment ces modèles, qui ne prédisent pas ce qui s’est déjà passé ou ce qui se produit actuellement pour les cyclones dans la région, pourraient-ils prévoir l’avenir ?

Représentation des vents de surface associés à la simulation d'un cyclone tropical dans la mer de Corail par un modèle atmosphérique régional à haute résolution. Les lignes figurent les trajectoires, et les couleurs leur vitesse.

© IRD – Cyril Dutheil

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Corriger les biais


Pour améliorer la fiabilité des projections de la situation à venir, les scientifiques de plusieurs unités de l’IRDLOCEAN, ENTROPIE IGE, ESPACE-DEV et LOPS se sont employés à corriger les biais que connaissent les modèles sur le temps présent. « Leurs incertitudes dans les tropiques sont essentiellement dues à une mauvaise représentation des processus de couplage entre océan et atmosphère », explique le spécialiste. Les interactions entre les deux ne sont pas suffisamment bien simulées pour rendre compte des effets réciproques qu’ils ont l’un sur l’autre, ce qui induit notamment une mauvaise représentation de la température de surface de l’océan. Une autre faiblesse des modèles globaux tient à leur échelle spatiale. « Ils divisent la Terre en cubes d’environ 100 km d’arête, ce qui n’est pas assez fin pour simuler convenablement les mécanismes de formation et d’intensification des cyclones », précise-t-il.
Les spécialistes se sont donc employés à augmenter la résolution des modèles, en passant d’une échelle spatiale globale, à une représentation régionale, et à corriger les températures de surface de l’océan.

Représentation des précipitations associées à la simulation d'un cyclone tropical dans la mer de Corail par un modèle atmosphérique régional à haute résolution

© IRD – Cyril Dutheil

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Projections renouvelées


Ces nouvelles simulations climatiques, issues des connaissances sur les processus spécifiques à l’œuvre dans le Pacifique sud, ont fait la preuve de leur fiabilité : elles reproduisent fidèlement le déroulement des événements qu’on connait déjà. C’est le gage de la robustesse des projections qu’elles permettent de faire sur l’avenir de l’activité cyclonique. Concrètement, elles renouvellent les prévisions en la matière. « Nos résultats indiquent que le nombre de cyclones devrait baisser de moitié d’ici à la fin du XXIe siècle dans la région en réponse au réchauffement climatique », explique Matthieu Lengaigne, océanographe-physicien et climatologue à l’UMR LOCEAN. Ces projections montrent en revanche, que les précipitations, la quantité de pluie qui accompagne l’événement cyclonique, devraient augmenter de 20 %. Pour ce qui est de l’intensité des cyclones – la force destructrice du vent associé , son évolution est plus difficile à déterminer car les modèles actuels ne sont pas capables de simuler les cyclones les plus forts.
« Au-delà de l’intérêt de ces projections pour la région elle-même, ces travaux ouvrent la voie à une approche prédictive similaire, prometteuse pour d’autres régions sensibles au plan cyclonique, comme le golfe du Bengale », conclut le spécialiste.