Mis à jour le 18.09.2024
Après la pandémie de mpox en 2022, une nouvelle épidémie se propage au Sud-Kivu. Des scientifiques étudient le risque pour mieux le contrôler.
Historiquement, les épidémies de mpox étaient zoonotiquesTransmises des animaux aux humains et cantonnées à des zones endémiquesRégion où une maladie est constamment présente et où elle se transmet régulièrement où circulaient deux variants du virus MPVX : le clade IGroupe de virus qui descend d'un ancêtre commun et partage des caractéristiques génétiques spécifiques. en Afrique centrale et le clade II en Afrique de l’Ouest. Mais au printemps 2022, la donne change. Alors que les transmissions interhumaines étaient jusque-là limitées à quelques cas au sein des cellules familiales, le clade II du MPVX provoque une flambée épidémique sans précédent, se propageant rapidement entre humains par gouttelettes respiratoires, contact rapproché et rapport sexuel. Pour la première fois, le mpox apparaît dans des zones non endémiques, conduisant l’OMS à déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale » le 23 juillet 2022. Au final, presque 100 000 personnes dans 117 pays seront touchées. Mais alors que les épidémies de clade II ont largement diminué depuis le début de l’année 2023, les infections à MPVX de clade I ne cessent d’augmenter en Afrique centrale, inquiétant scientifiques et autorités publiques.
Une échelle de transmissions interhumaines inédite
En septembre 2023, plusieurs cas de mpox sont détectés dans une zone minière densément peuplée de la province du Sud-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo. Depuis, le nombre de cas se multiplie rapidement.
« C’est la première fois que l’on voit des transmissions interhumaines à si grande échelle dans cette région », alerte Martine Peeters, virologue IRD au sein du laboratoire TRANSVIHMI.
Une équipe transdisciplinaire et internationale a mené une enquête sur cette nouvelle épidémie, afin d'en élucider les origines et la nature, et d’en comprendre les caractéristiques épidémiologiques et génomiques. Cette étude a été réalisée avec l'appui du projet AFROSCREENAFROSCREEN est financé par l'AFD, coordonné par le consortium ANRS|MIE, IP, IRD, et mis en œuvre par un réseau de partenaires dans 13 pays d'Afrique de l'Ouest, du Centre et Madagascar, dont l'INRB en RDC.1 dont l'objectif est de renforcer les capacités de séquençage et d'investigation épidémiologique, et de structurer un réseau africain de surveillance génomique à même d'assurer un suivi efficace de la circulation des pathogènes à potentiel épidémique.
De la zoonose à l’infection sexuellement transmissible
L’équipe de scientifiques a ainsi analysé 108 cas de mpox confirmés, parmi 241 cas suspects issus de données de surveillance collectées entre septembre 2023 et janvier 2024, pour la plupart recensés dans la province du Sud-Kivu. « Grâce au séquençage des virus, nous pouvons déterminer si c’est la même souche qui circule et s’adapte – comme pour le covid – ou si les multiples cas sont le fruit d’introductions zoonotiques différentes », explique la virologue.
« Ces analyses ont montré que le même virus circule dans le Sud-Kivu, ce qui atteste la piste de la transmission interhumaine », ajoute Placide Mbala, virologue à la tête du service d'épidémiologie et de santé mondiale de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC.
Autre révélation des analyses réalisées par les scientifiques : 67 % des cas confirmés étaient âgés de 15 à 30 ans et 17,6 % de 30 à 49 ans. Des chiffres qui contrastent avec les épidémies de clade I jusque-là observées, qui touchaient essentiellement de jeunes enfants. De plus, presque 30 % des personnes infectées ont déclaré être travailleuses du sexe, ce qui démontre que la transmission se fait majoritairement par les rapports sexuels. Une voie et une rapidité de propagation qui rappellent à Martine Peeters les débuts de l’épidémie de VIH, et qu’il faut prendre très au sérieux.
L’environnement et la démographie : des amplificateurs décisifs
Mais comment expliquer que le mpox soit passé de zoonose à maladie sexuellement transmissible ? Si la piste d’une évolution du virus MPVX de clade I n’est pas à négliger, Martine Peeters rappelle l’importance du contexte dans lequel cette épidémie s’est déclarée. « L’environnement et la démographie des zones où se déclenchent les épidémies sont des facteurs amplificateurs décisifs. Le Sud-Kivu est une zone pauvre et très densément peuplée, avec d’importants mouvements de population dus aux conflits armés qui font rage depuis 20 ans. Tous les ingrédients y sont réunis pour qu’un agent pathogène zoonotique puisse se disperser rapidement et devenir une épidémie humaine. »
En conclusion de leur étude, les scientifiques rappellent l’urgence de prendre des mesures de surveillance renforcée et élargie, comprenant la recherche de cas contacts à plus grande échelle, mais aussi l’importance d’assurer une meilleure prise en charge des cas et une vaccination ciblée. « Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra endiguer ce nouveau foyer d’une potentielle pandémie », clôt Placide Mbala.