En Amazonie, les incendies – comme celui qui a frappé Altamira, dans l’état de Pará, au Brésil, en août 2019 – et la déforestation qui en résulte influencent le cycle hydrologique sur de larges échelles.

© © Victor Moriyama / Greenpeace

Perturbations en Amazonie et changement climatique dans les Andes

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Mis à jour le 02.12.2021

Des changements de circulation atmosphériques entrainent une réduction de la saison des pluies en Amazonie. En parallèle, la déforestation qui y a cours influence le cycle hydrologique dans les Andes. Ces nouveaux résultats découlent du programme MOPGA AMANECER - Connexion Amazone-Andes, piloté par Jhan Carlo Espinoza.

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L’Amazonie est en proie à de multiples agressions. Et les principales sont anthropiques. Les incendies pour créer des terres agricoles ont ainsi détruit 10 000 km² en 2019 et en 2020 selon Greenpeace. En 40 ans, ce sont 800 000 km² de forêt qui ont disparu. Et comme le démontrent deux nouvelles publications, la situation ne va pas aller en s’améliorant tant pour ce qui est de l’intensification de ces feux que de l’impact de la déforestation sur le climat régional. Ces deux études font partie du projet de recherche AMANECER - Connexion Amazone-Andes. Lancé en 2018, il est piloté par Jhan Carlo Espinoza de l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble et est financé par le programme « Make our planet great again ». Il a pour objectif d’expliciter les interactions climatiques et hydrologiques entre l’Amazonie et les Andes et les impacts globaux de la déforestation en Amazonie.

La première étude (Espinoza et al. 2021) nous en apprend beaucoup sur les changements climatiques à l’œuvre en Amazonie qui ont des conséquences importantes sur les incendies d’origine anthropique. « Nous savions déjà que la saison des pluies commençait de plus en plus tardivement dans l’année alors même qu’elle se termine toujours à la même période, explique Jhan Carlo Espinoza.  En revanche, nous ne connaissions pas les mécanismes atmosphériques qui pouvaient expliquer cela. Désormais, nous connaissons les types de temps associés à ce retard. »  En climatologie, les types de temps sont définis comme l’association plus ou moins durable, de quelques heures à quelques jours, d’éléments atmosphériques sensiblement identiques sur un espace d’échelle régionale à locale. 

Types de temps et variabilité de la saison des pluies

L’équipe a ainsi mis en lumière neuf types de temps : trois durant la saison d’hiver (où il fait froid et sec), trois durant l’été (où il fait chaud et pluvieux) et trois pendant les périodes de transition. Cette identification des types de temps, ou circulations atmosphériques, a été le fruit d’un important travail d’analyses d’informations. Ce sont les données climatiques et météorologiques centrées sur l’Amérique du Sud tropicale de 1979 à 2020. « En définissant ces types de temps –   ce qui était le premier objectif de l’étude – , nous avons réalisé des progrès importants dans la compréhension du recul de la saison des pluies. En revanche, des points restent à résoudre, notamment pourquoi ces phénomènes atmosphériques arrivent de façon plus tardive », reconnaît l’hydro-climatologue qui évoque l’hypothèse d’un réchauffement de l’Atlantique tropical lié au changement climatique. Le second objectif atteint des recherches était ensuite de démontrer le lien entre la variabilité dans l’année et à long terme des types de temps avec le recul du début de la saison des pluies. 

Le recul de la saison des pluies – ici sur la rivière Santiago, au Pérou – favorise les feux de forêt.

© © IRD - Patrice Baby

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Enfin, l’étude comportait un troisième objectif : établir le lien entre les types de temps et les feux de forêts. Ce que les chercheurs ont mis en évidence, comme le précise Jhan Carlo : « Les incendies sont dus à l’activité humaine. Cependant, les années les plus pluvieuses, les feux ne sont pas aussi intenses, ni dans leur durée, ni dans la superficie dévastée. Le climat joue donc un rôle important. Ce rôle de modulation des feux de forêt faisait débat au sein de la communauté scientifique. » Il est certain qu’avec moins de pluies dans l’année, la forêt tropicale et son sol sont plus secs, donc plus propices à l’intensification des incendies. Les incendies auraient une autre conséquence selon Paola Andrea Arias Gomez, climatologue colombienne membre du GIEC et co-autrice de l’étude : « Les incendies de forêt pourraient contribuer au changement de la couverture terrestre, en Amazonie, en la savanisant par exemple. Ce qui pourrait à son tour affecter les précipitations. »

Du Brésil à la Bolivie : la déforestation influence le climat 

Si le climat amazonien joue un rôle dans les incendies de la forêt tropicale, la déforestation joue-t-elle un rôle sur le climat régional ? La réponse est positive au vu des résultats de la seconde publication (Sierra et al. 2021). Dans cette étude qui fait partie de la thèse doctorale de Juan-Pablo Sierra, un étudiant colombien du projet AMANECER, les chercheurs se sont focalisés sur une vallée andino-amazonienne de Bolivie, pourtant éloignée de plusieurs centaines de kilomètres de la région déforestée en Amazonie brésilienne.

En Bolivie, les scientifiques étudient l’impact sur le climat dans la vallée du Zongo de la déforestation à plusieurs centaines de kilomètres.

© Antoine Rabatel - IGE/UGA/IRD

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Le chercheur de nous éclairer : « La principale source d’humidité de la région est l’océan Atlantique. Cependant, la forêt y contribue par l’évapotranspiration des arbres et des plantes. Elle intervient également dans les interactions entre le sol et l’atmosphère. Il nous fallait donc vérifier si la déforestation de l’Amazonie pouvait avoir un impact sur la circulation atmosphérique régionale et l’hydrologie d’une vallée andine ». Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé des outils numériques, à savoir des modèles climatiques. Les équations physiques reproduisent les interactions entre l’atmosphère et le sol. Les scientifiques ont réalisé des calculs avec une forêt intacte puis ils ont réduit sa superficie en utilisant un scénario de déforestation jusqu’en 2050 au rythme actuel. « C’est finalement pire que ce à quoi nous nous attendions, s’alarme Jhan Carlo Espinoza. À cause de la déforestation, les précipitations de la région seraient réduites de 20 à 40 % pendant la saison des pluies, aggravant les risques hydriques déjà élevés en raison de la perte des glaciers. » Ainsi, si la déforestation qui sévit au Brésil se poursuit, elle aurait des conséquences dramatiques sur les populations andines, principalement du Pérou et de la Bolivie.