Mis à jour le 17.06.2020
Les changements climatiques auront un impact sur les populations de vers de terre alors même que sont découverts les nouveaux rôles que ces derniers jouent pour la qualité des sols et les écosystèmes. Zoom sur deux études de l’UMR Eco&Sols.
Les vers de terre contribuent pour beaucoup à la fertilisation des sols. « Avec leurs galeries, ils participent à en améliorer la porosité, utile pour l’écoulement de l’eau. Les lombrics mélangent également les composants du sol. Au niveau chimique, ils digèrent la matière organique pour en libérer les éléments nutritifs dont les plantes ont besoin », explique Éric Blanchart de l’UMR Eco&Sols, à Montpellier, qui a récemment co-signé deux études sur ces annélides. La plus récente d’entre elles est parue en octobre dans la prestigieuse revue Science. Elle a mobilisé 140 chercheurs du monde entier qui ont compilé les données issues de 6 928 sites dans 57 pays afin d’évaluer la diversité, la quantité (le nombre d’individus au m2) et la biomasse (leur poids au m2) des vers de terre.
Sous les tropiques, moins de variétés de lombrics ?
Le résultat le plus étonnant de cette étude, dont la presse s’est rapidement fait l’écho, concerne la répartition originale de la diversité des espèces. A contrario de la majeure partie des êtres vivants, les annélides présenteraient plus de variétés dans les régions tempérées que dans celles des tropiques. Ce que tempère toutefois l’écologue : « Les prélèvements étudiés ont été effectués sur des volumes de sol extrêmement petits, à une échelle locale. Or, dans les tropiques, il y a de très nombreuses espèces endémiquesSpécifiques d’une région , ce qui n’apparaît pas dans l’étude des petits volumes de sol ».

Un enfant malgache tient dans ses mains un Kynotus giganteus de près de 2 mètres, rencontré dans la région de Farafangana, dans le sud-est de Madagascar.
© Malalatiana Razafindrakoto, Laboratoire des Radioisotopes (Madagascar)
Au-delà de cette information quelque peu surmédiatisée, cette vaste étude comporte d’autres résultats intéressants. À commencer par l’impact des changements climatiques sur les populations de vers de terre. Grâce au modèle mis au point pour évaluer la diversité, la quantité et la biomasse des vers de terre selon six déterminants (couverture de l’habitat, altitude, sol, précipitations, température et rétention de l’eau dans le sol), les scientifiques ont mis en lumière que les précipitations et les températures étaient les critères les plus importants. « Le climat a un fort impact sur les populations de vers de terre et donc sur les fonctions qu’ils remplissent dans les sols », note le chercheur. Les conséquences se répercutent évidemment bien au-delà de ces espèces. Selon le niveau d’activités des annélides dans les sols, les écosystèmes tout entiers seront certainement bouleversés par les changements à venir. Y compris parce que ces vers ont des rôles sans doute bien plus étendus que ce que la science en sait aujourd’hui. La seconde étude récente dirigée par Éric Blanchart en apporte une nouvelle preuve.
Moins d’engrais, plus de vers protecteurs
Dans celle-ci, les chercheurs de l’IRD, avec leurs partenaires de Madagascar, ont démontré que les vers de terre aidaient les plantes à se protéger des maladies, en l’occurrence ici le riz contre une maladie fongique, la pyriculariose. Les annélides peuvent en effet augmenter la disponibilité de la silice, à l’effet protecteur, pour les plantes. Les résultats de ce travail appuient l’idée qu’il est notamment préférable de favoriser le développement de la population de vers de terre (en limitant les pesticides, par exemple), en sus de pratiques agricoles plus respectueuses des sols (pas de labourage ou seulement superficiel, par exemple), plutôt que de recourir massivement à des engrais azotés. Cette étude s’inscrit ainsi dans la longue lignée de travaux qui, depuis ceux de Charles Darwin, mettent en évidence le rôle incroyable que tiennent les vers de terre pour nos sols et donc pour notre alimentation.