Mis à jour le 06.07.2021
Les scientifiques étudient un vaccin destiné à interrompre le cycle de vie de Plasmodium, le parasite du paludisme. Cette approche originale, destinée à faire baisser la pression de la maladie sur les populations exposées, vient d’être expérimentée dans l’environnement naturel du parasite.
Plasmodium falciparum , le parasite responsable du paludisme, devrait se faire du mauvais sang... Il est dans le collimateur de chercheurs bien décidés à bloquer sa transmission, non pas du moustique à l’homme, mais de l'homme au moustique. « L’idée de départ repose sur l’existence d’anticorps contre le stade transmissible de ce protozoaire chez certaines personnes exposées à la maladie dans les zones d’endémie », explique la parasitologue Isabelle Morlais.
Le paludisme est un problème majeur de santé publique pour les régions tropicales, où il tue chaque année près de 450 000 personnes, dont une majorité d’enfants de moins de 5 ans. Le parasite Plasmodium est transmis de sujets infectés vers des sujets sains par la piqûre de moustiquesCertaines espèces du genre Anopheles, contaminés lors de repas de sang précédents.
Le Graal de la vaccination
Face à ce fléau, la mise au point d'une vaccination efficace, permettant de protéger à grande échelle les populations exposées, constitue un véritable Graal pour les acteurs de la lutte contre le paludisme. La plupart des candidats vaccins développés jusqu’à présent visent à protéger les hommes contre les premiers stades pathologiques de la maladie. Mais cette approche reste peu efficace. Ces vaccins protègent à peine 30 à 50 % des individus vaccinés.
« Nos travaux s’intéressent à certains anticorps humains dirigés contre les stades du parasite qui sont transmis au moustique. En se fixant à Plasmodium, ils bloquent son développement ultérieur chez le moustique », indique la chercheuse. S’ils s’avéraient efficaces à entraver le cycle du parasite, ces anticorps pourraient servir de base à un vaccin. Le principe ne consiste donc plus à protéger l’homme contre la maladie, mais à l’empêcher d’en devenir un réservoir susceptible d’infecter le moustique… et indirectement de nouveaux humains.
Du laboratoire au terrain

Comptage des parasites dans l'estomac d'un moustique infecté.
© Fabien Beilhe
Ces candidats vaccins d’un type nouveau, mis au point avec les scientifiques de l’université de Radboud aux Pays-Bas, ont d’abord été évalués en laboratoire. Ainsi, mélangés à des parasites dans un repas de sang, les anticorps parviennent à bloquer la transmission de Plasmodium aux moustiques d'élevage. Mais avant d’aller plus loin sur cette piste prometteuse, et d’envisager des essais cliniques, ces anticorps ont été mis à l’épreuve du terrain. « Des conditions de laboratoire à l’environnement naturel du parasite, les résultats peuvent beaucoup varier », estime l’entomologiste médicale Anna Cohuet. Les spécialistes de l’IRD et leurs homologues burkinabè et camerounais se sont donc lancés dans une expérimentation sur des isolats naturels de parasite. Ils ont nourri des moustiques avec du sang prélevé chez 648 personnes infectées, mélangé avec différentes doses des anticorps évalués. Puis ils ont mesuré le taux d’infection des insectes 8 jours plus tard. « Le blocage de la transmission est confirmé, mais pas pour tous les échantillons, vraisemblablement à cause de virulences variées ou de la présence de différents génotypes du parasite chez les donneurs. Ces résultats, obtenus en zone d’endémie, sont précieux pour affiner la mise au point d’un vaccin utilisable », conclut Isabelle Morlais. Associés à un vaccin conventionnel contre le paludisme, ces anticorps permettraient de protéger les hommes collectivement, en faisant baisser la pression de la maladie sur l’ensemble de la communauté, en plus de prémunir les individus.