Mis à jour le 17.06.2020
Le mil et le sorgho, principales cultures vivrières en Afrique de l’Ouest, souffrent déjà du réchauffement climatique. Leur production a diminué de 15 à 20 % depuis une vingtaine d’années et elle pourrait chuter drastiquement avec l’augmentation des extrêmes de chaleur et de pluie. Une situation d’urgence pour ces céréales qui assurent la sécurité alimentaire des habitants de ces régions.
Le réchauffement climatique impacte les productions agricoles en Afrique de l’Ouest… depuis déjà une vingtaine d’années ! Si de nombreux travaux prévoyaient une baisse des rendements agricoles de 10 à 15 % en 2050 dans ces régions du fait de l’élévation des températures, aucune ne s’intéressait jusqu’alors à la situation actuelle. Deux climatologues de l’UMR Espace-Dev, Benjamin Sultan et Dimitri Defrance, viennent de publier une étude sur ce sujet en collaboration avec un laboratoire japonais, spécialisé dans les simulations environnementales.
Pertes agricoles et économiques
Les scientifiques se sont basés sur deux ensembles de simulations climatiques : le premier prend en compte le climat tel qu’il aurait dû être sans empreinte de l’activité humaine. Le second intègre l’effet des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropiqueEn rapport avec l’espèce humaine sur le climat. Pour chacun de ces deux ensembles, les chercheurs ont réalisé et comparé des simulations de deux modèles agronomiques : l’un intègre des données sur la phénologieÉtude des variations que les divers climats font subir à la floraison et à la feuillaison des végétaux et l’assimilation du carbone. L’autre comporte davantage d’informations sur les améliorations technologiques agricoles.
Les résultats de ces travaux sont sans ambiguïté. Lors de la dernière décennie de l’étude, entre 2000 et 2009, les températures ont augmenté de 1°C en Afrique de l’Ouest et les orages et les pics de chaleur ont été plus fréquents. Ces conditions climatiques dégradées ont provoqué une baisse des rendements du mil de 10 à 20 % et de 5 à 15 % pour le sorgho. D’un point de vue économique, les pertes s’élèvent pour les pays producteurs entre 2 et 4 milliards de dollars pour le mil et entre 1 et 2 milliards de dollars pour le sorgho.

© IRD / Tiphaine Chevallier
Séchage et récolte du mil et du sorgho dans la cour d'une concession au Togo
« Les régions les plus touchées se situent dans la bande soudano-sahélienne, précise Benjamin Sultan. À proximité du Sahara, les cultures sont rares et les conditions climatiques de ces dernières années ne leur ont pas permis de se développer. La situation risque d’empirer, avec une augmentation des extrêmes de chaleur et de pluie. La culture du mil, même si elle est adaptée à la sécheresse de cette région, a fortement souffert de ces évolutions climatiques et il sera bientôt impossible de cultiver cette céréale dans les régions les plus au nord du Sahel. » Plus au sud, les pays du golfe de Guinée, influencés par le climat océanique, souffrent moins. Là, la culture du sorgho prédomine grâce à des températures plus tempérées. Dans cette zone, elles augmentent également moins rapidement, ce qui explique des baisses de production de sorgho moins importantes que celle du mil. Cette région devrait être avantage préservée que le Mali, le Niger ou le Sénégal dans le futur.
L'urgence d'agir

Préparation d'une pâte à partir de mil au Togo. Cette céréale assure la sécurité alimentaire des populations rurales.
© IRD/Tiphaine Chevallier
Comment dans ce cadre, continuer à cultiver ces céréales ? La préservation de la diversité génétique et en particulier le transfert de gènes de plantes adaptées à des températures élevées offrirait une des premières réponses. Elle permettrait aux agriculteurs de cultiver ces plantes vivrières dans des conditions plus extrêmes. Cette possibilité serait essentielle dans ces régions où le mil et le sorgho constituent les principales ressources. Une diminution de leur production fragiliserait en effet la sécurité alimentaire des habitants et pourrait provoquer le départ des populations vers les villes. « Notre constat relève d’une certaine urgence, estime Benjamin Sultan. Nous devons agir tout de suite et ne pas attendre 2050. La situation risque de s’aggraver continuellement : plus nous émettons de CO2, plus le changement climatique sera important. » Les scientifiques travaillent actuellement à de nouvelles simulations qui aideront à imaginer les scénarios futurs. Elles seront notamment utilisées pour le prochain rapport du GIEC qui sera publié en 2020.