entrée d'un marché avec plusieurs étals, une femme de dos portant un énorme panier sur la tête

Quel est l’environnement alimentaire des villes d’Afrique subsaharienne ?

© Mark Green

Grandes villes subsahariennes : alimentation variée et publicités « nocives »

Mis à jour le 04.08.2020

Contrairement à ce qui était supposé jusque-là, si la population des grandes villes subsahariennes est victime de la malbouffe, ce n’est pas parce qu’elle fait face à une pénurie de produits sains. Une étude menée par une équipe internationale de chercheurs montre en effet que ces aliments sont disponibles, en particulier grâce aux commerces informels.

Les co-investigateurs comme Stella Muthuri de l’APHRC de Nairobi, Robert Akparibo de l’Université de Sheffield, et Adam Yakubu, assistant de recherche de l’université du Ghana (de g. à d.) ont compté les points de vente officiels et informels.

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La forte croissance urbaine des villes d’Afrique subsaharienne s’accompagne d’une augmentation du surpoids et de l’obésité chez les populations de ces zones urbaines, en particulier chez les femmes. « Ainsi, 49 % des Ghanéennes et 43,3 % des Kenyanes souffrent de l’une ou l’autre de ces affections. En outre, les décès liés aux maladies chroniques — diabète, maladies cardiovasculaires et obésité — sont en augmentation dans les deux pays, précise Michelle Holdsworth, chercheuse IRD, spécialiste en nutrition et santé publique, de l’unité NUTRIPASS de Montpellier. Or de nombreux pays souhaitent mettre en place des politiques pour prévenir ces maladies au travers de l’alimentation. C’est pourquoi nous avons reçu des financements dans le cadre de deux programmes — les projets TACLEDProjet TACLED pour « Transitions alimentaires dans les villes africaines : tirer parti des preuves pour les interventions et les politiques de prévention des maladies non transmissibles liées au régime alimentaire » https://dataverse.ird.fr/dataverse/project_tacled 1 et DFCProjet DFC pour « Moteurs du choix alimentaire » https://dataverse.ird.fr/dataverse/diet_trans_ghana1 — pour étudier l’environnement alimentaire dans les villes et comment celui-ci influence la transition nutritionnelle vers une alimentation malsaine des citadins. »

Cartographier l’environnement alimentaire

Pour mener à bien cette étude, les chercheurs se sont focalisés sur trois quartiers défavorisés à Accra et Ho au Ghana et à Nairobi au Kenya. Ils y ont établi une cartographie de l’environnement alimentaire afin de déterminer comment les aliments, y compris les boissons, sont commercialisés et promus. Ils ont identifié deux types de points de vente : ceux, officiels comme les supermarchés, les bars, les petits commerces, et ceux, informels c’est-à-dire les kiosques, les vendeurs locaux ou les simples étals de rue. 

La plupart des points de vente sont de type informels, sans publicité, et vendent un ou deux produits dont une majorité de fruits et légumes, comme ici au marché d’Accra.

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Pour chacun, ils ont recensé la nourriture vendue : produits frais (légumes, viande, poisson, etc.), aliments transformés, frits, boissons (alcool, soda, lait, etc.) et la présence ou non de publicité.
« Contrairement à notre hypothèse de départ, dans les trois quartiers, les aliments sains, y compris ceux qui correspondent aux plats traditionnels, sont disponibles, notamment dans les points de vente informels qui sont plus nombreux que les officiels, reconnaît la chercheuse. Toutefois, l’environnement alimentaire comprend aussi des aliments transformés, frits, des gâteaux, des sucreries, des boissons pauvres en nutriments, etc., c’est-à-dire des aliments malsains. Par ailleurs, de nombreux commerces, aussi bien officiels qu’informels, présentent des publicités alimentaires dont la moitié porte sur les boissons sucrées et un quart sur l’alcool. »

L’accessibilité n’est pas le problème

Cette étude montre donc que la transition nutritionnelle n’est pas due à une absence de disponibilité physique des aliments sains. 

Les points de vente officiels qui vendent par ex. de la nourriture pauvre en nutriments étaient assez peu nombreux.

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Mais ce n’est pas parce que les populations y ont accès qu’elles achètent ces produits. « Un autre volet de notre étude montre que ces aliments bruts leur paraissent chers par rapport aux transformés qui leur semblent présenter une valeur ajoutée, souligne Michelle Holdsworth. Les gens craignent aussi le manque d’hygiène et préfèrent les produits emballés qui sont plus sûrs à leurs yeux. Ainsi, les boissons sucrées bouchées sont perçues comme moins risquées que l’eau qui peut être souillée. Enfin, les publicités jouent leur rôle en attirant les acheteurs malheureusement vers des aliments malsains. » Les chercheurs suggèrent donc que les politiques visant à favoriser une alimentation saine portent sur trois axes. « En premier lieu, il faudrait réglementer l’emplacement des publicités qui vantent les aliments malsains. Ensuite, il faudrait soutenir grâce à des formations -  plutôt que réprimer -  les points de vente informels, sources majoritaires de produits sains, afin qu’ils améliorent l’hygiène et la propreté. Enfin, des actions devraient être entreprises pour faire baisser les prix des aliments sains », conclut la chercheuse.