Le taux des accouchements par césarienne au Vietnam a augmenté ces dernières années jusqu’à atteindre près de 30%.

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Vietnam : une urbanisation trop propice aux césariennes ?

Mis à jour le 18.05.2020

La dernière enquête nationale à indicateurs multiples?Méthodologie de l’Unicef pour suivre l’évolution de la situation des enfants et des femmes dans un pays réalisée au Vietnam révèle que le taux moyen de césarienne atteint près de 30 % des naissances. Une étude approfondie de ces données par des chercheurs du Ceped précise l’influence de l’urbanisation sur cette pratique.

Couramment pratiquée dans le monde, la césarienne est une intervention chirurgicale qui vise à extraire l’enfant par incision de la paroi abdominale et utérine. Elle permet de sauver des vies mais comporte des risques pour la mère et l’enfant et génère des coûts non négligeables pour les systèmes de santé et les utilisateurs.

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Selon l’OMS, le pourcentage de césariennes pratiquée par naissance varie de 1 à 58 selon les pays. Certains souffrent d’un manque d’accès à cette intervention - au Niger ou à Madagascar, il est inférieur à 2 % - tandis que d’autres la pratiquent en excès - au Brésil, il est de 55 %, et en République Dominicaine de 58 %. La communauté internationale de la santé estime qu’un « taux idéal » se situe entre 10 et 15 %. En France, il est de 19 %.

Les facteurs expliquant les variations du pourcentage de ces interventions chirurgicales sont multiples. « Dans l’ensemble, les taux de césarienne sont associés au niveau de développement des pays et à la pénétration du secteur privé dans la santé. Mais ces indicateurs n’expliquent pas toutes les différences d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre », indique Alexandre Dumont, épidémiologiste au Centre Population et développement (Ceped), qui co-dirige avec Myriam de Loenzien, démographe dans la même unité, le projet Cesaria.

Accoucher dans le secteur privé est un facteur favorisant le recours à la césarienne.

© IRD/Myriam de Loenzien

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Un taux élevé au Vietnam

Ce projet lancé en 2016 vise à identifier les différents facteurs déterminant le taux de césarienne au Bénin, au Cambodge, en France, au Mali et au Vietnam. C’est justement à ce pays du sud-est asiatique que s’intéresse la dernière publication(1) de Myriam de Loenzien et ses collègues. L’étude porte sur 1 350 femmes ayant accouché dans des établissements de santé entre 2012 et 2014.

Ainsi, le taux moyen de césarienne au Vietnam est élevé puisqu’il s’établit à 29,2 %. La démographe l’explique : « Il y a eu une forte augmentation des césariennes ces dernières années en lien avec l’augmentation du niveau de vie, l’évolution des pratiques médicales, l’amélioration des équipements hospitaliers… » La scientifique souligne aussi le rôle des politiques mises en place pour l’autonomisation des hôpitaux : elles les incitent à rentabiliser leurs équipements en pratiquant plus d’accouchements chirurgicaux, actes plus onéreux qu’un accouchement par voie basse. Myriam de Loenzien ajoute « qu’en raison d’un contrôle moins sévère des raisons pour lesquelles elle est pratiquée, la réalisation d’une césarienne au Vietnam est moins contraignante pour le corps médical qu’en France, par exemple ».

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Disparité ville/campagne à élucider

Ces facteurs donnent des clés pour comprendre le taux élevé de césariennes au Vietnam. Mais l’étude s’est intéressée plus précisément aux disparités de taux entre la ville et la campagne. « L’une des principales questions était en effet de savoir si cette différence pouvait s’expliquer essentiellement par des écarts de niveau de vie, de comportement et d’équipement de santé », souligne la chercheuse. Or, la réponse est clairement non, avec une tendance à recourir à la césarienne qui reste deux fois plus forte chez les populations urbaines par rapport à celles en milieu rural.

« Même après prise en compte d’autres facteurs qui favorisent la césarienne, comme des niveaux de vie et d’éducation plus élevés, un plus grand nombre de consultations prénatales, un bébé plus souvent jugé « gros », le fait d’accoucher en secteur privé ou encore un âge maternel de plus de 35 ans, le recours à la césarienne reste plus élevé en milieu urbain », note Myriam de Loenzien. L’étude révèle par ailleurs que les mêmes caractéristiques n’ont pas les mêmes effets selon le territoire. Ainsi, le niveau de richesse n’a pas d’influence en milieu rural alors qu’en milieu urbain, les plus riches ont deux fois plus recours à la césarienne que les femmes des ménages aux revenus moyens. Inversement, l’appartenance à une ethnie n’a pas d’impact sur les taux en ville alors qu’à la campagne, les Kinh – l’ethnie majoritaire au Vietnam – ont plus recours à la césarienne que les populations des ethnies minoritaires. En revanche, quel que soit le territoire, les femmes de plus de 35 ans recourent plus à la césarienne que leurs benjamines.

La compréhension des paramètres expliquant cette différence entre villes et campagnes nécessite des investigations supplémentaires. Ce qui devrait se faire à travers une extension de l’étude à l’aide d’approches qualitatives ainsi qu’un nouveau projet incluant des pays comme la Thaïlande et l’Argentine.


Notes :
1. Myriam de Loenzien, Clémence Schantz, Bich Ngoc Luu, Alexandre Dumont, Magnitude and correlates of caesarean section in urban and rural areas: A multivariate study in Vietnam, Plos One, 26 juillet 2019


Contacts : Myriam de Loenzien / CEPED      Alexandre Dumont / CEPED