Vue sous-marine sur des coraux.

Les Stylophora, ici des adultes, sont des coraux assez résistants au stress environnemental.

© Mahery Randrianarivo

À Madagascar, les aires marines protégées profitent aussi aux coraux

Mis à jour le 28.08.2023

À Madagascar, dans le cadre du Laboratoire mixte international MIKAROKAObservatoire de la biodiversité marine et côtière et de ses usages à Madagascar1, des chercheurs de l’IRD et de l’Institut halieutique et des sciences marines montrent pour la première fois que les aires marines protégées de la Grande île ne préservent pas seulement les poissons. Elles sont aussi bénéfiques aux récifs coralliens.

Depuis les années 1960, Madagascar s’est dotée d’aires marines protégées (AMP). « Leur objectif principal est la gestion et la préservation des ressources marines, essentiellement des poissons, indispensables à l’économie locale », explique Mehdi Adjeroud, écologue IRD dans l’unité Écologie marine tropicale des océans Pacifique et Indien (ENTROPIE). « Ces AMP renferment 30 % des récifs coralliens malgaches, complète Mahery H. Randrianarivo qui vient de soutenir une thèse en cotutelle entre l’Institut halieutique et des sciences marines à Toliara à Madagascar et l’université de La Réunion. Et pour la première fois, nous avons montré que les mesures de conservation, destinées avant tout à la préservation des poissons, bénéficient aussi aux coraux adultes. »

Bénéfiques pour les adultes

Les aires marines protégées malgaches visent avant tout à préserver les poissons, ressource alimentaire et économique essentielle pour les populations littorales de pêcheurs.

© IRD - Gisèle Champalbert

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Pour mener à bien cette recherche, Mahery H. Randrianarivo a analysé 18 zones – dont la moitié sont ouvertes à la pêche – de diverses AMP de Masoala au nord-est, Nosy-Be au nord-ouest et Salary Nord au sud-ouest. Bilan, les AMP ont un effet positif indéniable sur les coraux adultes. Néanmoins, ce bénéfice varie d’une région à l’autre et même au sein de chacune. Ainsi, à Nosy-Be, il est plus prononcé sur les genres Acropora et Montipora, des coraux pourtant sensibles aux changements environnementaux, et est renforcé dans les zones non ouvertes à la pêche. À Masoloa et Salary Nord, ce sont Porites et Seriatopora, des coraux moins exigeants en termes d’environnement et plus tolérants au stress, qui tirent le mieux leur épingle du jeu. En revanche, quelle que soit la zone étudiée, le résultat est beaucoup moins probant pour les coraux juvéniles.

 

Les coraux juvéniles, ici une colonie du genre Acropora, mesurant moins de 5 cm, bénéficient moins que les adultes des AMP.

© Mahery Randrianarivo

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La protection ne semble en effet bénéficier qu’aux « jeunes » Porites, plus résistants aux perturbations auxquelles les récifs coralliens font actuellement face : le blanchissement – souvent synonyme de mort – dû aux hausses de température de l’eau et les cassures engendrées par les cyclones.
Enfin, plus largement, « le bénéfice est d’autant plus marqué, que l’aire marine protégée est ancienne, qu’elle est petite, et que son niveau de protection est élevé, ce qui est le cas à Nosy-Be dont les premières mesures datent de 1966Elles n’ont été mises en place qu’en 1998 à Masoala et en 2015 à Salary Nord. 1 », précise Mahery H. Randrianarivo.

Vers une protection des juvéniles  

 

Regroupement de quelques colonies corallienne adultes et juvéniles

© Mahery Randrianarivo

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« Ces observations sur l’impact positif des AMP pour les coraux adultes sont très encourageantes », souligne Mehdi Adjeroud. Mais elles sont aussi matière à réflexion pour renforcer ces bénéfices, y compris en direction des juvéniles. « Pour bien comprendre la problématique, il faut imaginer les coraux adultes comme des arbres hauts de plusieurs mètres. Les juvéniles sont quant à eux de jeunes pousses de quelques centimètres de diamètre qui sont moins bien armées pour résister aux agressions : algues molles, poissons corallivores, herbivores qui les « broutent » par erreur, etc. De fait, la mortalité est inversement proportionnelle à la taille, explique l’écologue. Or, l’enjeu pour la pérennité des récifs coralliens, est de protéger les juvéniles qui sont les générations futures. Il faut donc renforcer les mesures de conservation mises en œuvre dans les AMP, mais aussi les adapter aux juvéniles. »

 

Les scientifiques qui étudient l’impact des AMP sur les coraux réfléchissent à des dispositifs spécifiques à la protection des juvéniles.

© Mahery Randrianarivo

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En l’occurrence, les chercheurs souhaitent maintenant développer des moyens pour soutenir le recrutement des jeunes coraux, c’est-à-dire leur intégration parmi les adultes, en augmentant leur taux de fixation. Cela pourrait par exemple passer par l’élaboration de structures artificielles permettant aux larves de « se cacher » de leurs prédateurs et se protéger des autres facteurs de stress. « Mais ces actions locales ne peuvent rien face aux perturbations globales de grande ampleur – l’augmentation de la température de l’eau ou la multiplication des cyclones – qu’il faut donc limiter à tout prix ! », conclut Mehdi Adjeroud.


 

MIKAROKA sonde la biodiversité marine

Le laboratoire mixte international MIKAROKA (« fouiller, gratter, chercher, sonder, scruter » en malgache) a pour objectif de mettre en place une plate-forme d’observations fonctionnelle et pérenne de la biodiversité marine côtière et de ses usages à Madagascar, et une plate-forme de formation académique et scientifique des partenaires du Sud.

Il est codirigé par Dominique Ponton, de l'UMR ENTROPIE et par Jamal Mahafina, de l'Institut halieutique et des sciences marines (IH.SM), à Madagascar